A sample text widget

Etiam pulvinar consectetur dolor sed malesuada. Ut convallis euismod dolor nec pretium. Nunc ut tristique massa.

Nam sodales mi vitae dolor ullamcorper et vulputate enim accumsan. Morbi orci magna, tincidunt vitae molestie nec, molestie at mi. Nulla nulla lorem, suscipit in posuere in, interdum non magna.

Les Basa et les Pharaons : une affaire de famille !

Dans sa thèse de doctorat soutenue en 1997,  Ndigi Oum met en évidence de nombreuses similitudes culturelles entre « les Basa du Cameroun et l’antiquité pharaonique égypto-nubienne[1] ». Un travail d’une exceptionnelle fécondité, dont on regrette vivement qu’il n’ait pas (encore ?) été publié par une maison d’édition panafricaniste, à destination des étudiants et autres lecteurs panafricains. La perspective de l’auteur s’inscrit expressément dans le cadre de l’historiographie antadiopienne, avec ce que cela suppose de rigueur méthodologique et de compétence pluridisciplinaire.

 

Lorsqu’on parcourt le tableau des unilitères égyptiens ou de “l’alphabet” hiéroglyphique tel qu’il apparaît dans les ouvrages d’égyptologie, on est frappé par l’absence de la moindre mention d’une langue africaine quelconque. La prononciation desdits phonogrammes est invariablement rapportée soit aux sons jugés semblables des langues sémitiques, soit à ceux des langues indo-européennes. On peut s’en rendre compte en découvrant l’échantillon des tableaux reproduits en annexe.

Il y a lieu de s’interroger sur le bien-fondé d’une telle exclusion, car on a le sentiment qu’aucun des sons de l’égyptien ne saurait jamais, en quelque manière que ce soit être évoqué par un son appartenant à une langue africaine non-sémitique ou non indo-européenne. Ainsi par exemple, pour Gardiner, le son représenté par le “vautour” percnoptère a pour valeur phonétique approximative l’occlusive glottale qu’on entend au début des mots allemands commençant par une voyelle […] Et d’une manière générale, les différents auteurs parlent de l’aleph, l’ayin, du yod et du waw hébreux, d’un côté et, du koph et du kha arabes, de l’autre, entre autres.

Le tableau de l’alphabet de base constitué par la trentaine d’unilitères tel qu’il est présenté par P. du Bourguet dans sa Grammaire égyptienne, constitue l’unique exception. Th. Obenga analyse cette présentation de P. du Bourguet comme une volonté “salutaire” de sortir l’égyptien du carcan sémitique […]

Une parenté linguistique Basa / Mdw Ntjr

 

Ndigi Oum  a rapporté de précieux éléments probants sur la parenté linguistique entre la langue basa et le medw ntjr ; avec un niveau de corrélation statistique, de correspondances morphologique et syntaxique rarement atteint :

[…] le corpus déjà recueilli du lexique comparé égyptien / basaa dépasse très largement six cents termes. […] cent-cinquante termes égyptiens environ ont fait l’objet de rapprochements avec le Proto-Bantu, et la liste comparative ainsi établie a permis l’établissement d’un certain nombre de correspondances régulières notables. […] Par ailleurs, la liste afro-asiatique de J. Greenberg est apparue insuffisante pour être pleinement représentative d’une réelle parenté généalogique de l’égyptien dans le cadre d’une même famille comprenant le sémitique […] une langue bantu comme le duala soutient parfaitement la comparaison avec l’égyptien sur la base même des termes égyptiens présents sur cette liste. Pour notre part, nous avons essayé de démontrer que, sur la base de l’échantillon des termes soumis ici à la comparaison  et qui dépassent non seulement le lexique afro-asiatique de Greenberg, mais également les deux cents mots de vocabulaire de base de Swadesh, le basaa affiche une parenté étroite avec l’égyptien.[2]

Or, comme « la langue est la boîte noire d’une civilisation[3] », une parenté linguistique entre deux langues suppose nécessairement une parenté culturelle entre leurs locuteurs ; aussi bien matérielle (outils et techniques) que spirituelle (cosmogonie, rites), voire politique.


Le Ntjr B3s3 jouant de la harpe

Le Ntjr B3s3 jouant de la harpe

 

Richesse sémantique du terme « Basa »

 

Le toponyme basa est attesté à Km.t comme appellation d’une petite localité de la rive orientale du Nil ; celle-ci est devenue bien plus tard Antinoé, du temps des Romains. De nos jours, la nation Basa, localisée essentiellement au Cameroun, se retrouve également au Sénégal, Togo (les Bassari), Côte d’Ivoire, Nigéria, Libéria, Soudan Central, en Nubie méroïtique, etc. Une telle dispersion panafricaine mériterait que soient entreprises des études sociologiques comparatives approfondies entre les divers rameaux Basa d’Afrique.

 

Au plan spirituel, Basa (noté B3s3y, B3s3, B3s, Bs3, Bsy, Bs) est le nom d’un ntjr que les égyptologues traduisent généralement en « dieu Bès », et qui est connu « dans la Bible sous la forme Bésaï[4] ». Réputée de moindre importance dans la cosmogonie égyptienne, l’étude approfondie conduite par Oum Ndigi a révélé au contraire que la figure Basa est des plus emblématiques des conceptions spirituelles nubio-égyptiennes :

[…] le dieu Bès apparaît à la lumière de l’étude de J.-M. Kruchten, d’une part, et de celle de Jési, d’autre part, comme la divinité par excellence qui initie au mystère de la vie, au sens égyptien, parce que seul, il fait passer du monde profane au monde sacré, selon les termes de Kruchten : c’est lui le principe même de la religiosité.[5]

On retrouve cette même figure ailleurs en Afrique, notamment sous les concepts ou appellations comme « Obassi », « Obasi », « bessi » ; ainsi que dans les termes basaa base[6] qui signifie « religion », « rites particuliers », et bas[7] qui signifie « initier ».


 

Similitudes socio-linguistiques Basa / Nubie Méroïtique

 

Selon l’auteur, Meroe est la transcription grecque d’un terme négro-africain (B :rw :t) rendu par Baroua, Meroua, ou encore Maroua : « En tout état de cause, ce dernier désigne une ville du nord Cameroun actuel. Est-ce un hasard ?[8] »

La mise en évidence par  Ndigi Oum de correspondances régulières entre des acronymes basa et des phonèmes méroïtiques listés par F. Griffith (qui a déchiffré l’écriture méroïtique en 1911)[9] lui suggère une origine acrophonique de ces phonèmes : la liste de signes méroïtiques noterait la première lettre de chaque syllabe ainsi figurée, plutôt que toute la syllabe !

 

Cette découverte constitue une contribution de haute portée pour la traduction des deux milles (2000) textes méroïtiques restés jusqu’à présent incompréhensibles à leurs déchiffreurs occidentaux, qui bien souvent ne savent pas parler les langues africaines dont ils se disent pourtant spécialistes. A noter d’ailleurs que les langues négro-africaines telles que le basa, non classées dans la catégorie factice dite « afro-asiatique », ne sont quasiment jamais mobilisées dans les tentatives de traduction des textes méroïtiques demeurés inaccessibles depuis maintenant un siècle.

 

Par ailleurs,  Ndigi Oum rapproche la racine du nom méroïtique Peye (py), qui est celui du roi kouchite nommé Piankhi en Mdw Ntjr, à celle du verbe basa pey signifiant « avoir la vie sauve, échapper à la mort ». Or, peye signifie « vie » en méroïtique, tandis que Pi-ankhi contient le radical ânkh qui signifie également « vie » en Mdw Ntjr ; et dont l’équivalent basa est ônkh. De plus, la fonction de Kandakê (noté Kdk), celle des Candaces, trouve un équivalent basa à travers le titre de Kindak : « L’érudit et fin connaisseur de la langue basaa, le pasteur protestant S. Njami Nwandi fournit dans sa thèse quantité de termes techniques basaa accompagnés de leurs acceptions respectives. Parmi ces termes, on trouve Kindak avec le sens de « reine » […] Kindak ou Nyañmbay : la reine ou la mère du mbai.[10] »

 


Une commune conception de la parenté

 

A Km.t, l’enfant recevait plusieurs noms, dont l’un dit « nom de sa mère » (rn.f n mwt.f), qui était tenu secret. Cette pratique se retrouve également chez les Basa, où « le nom de la maison de sa mère » est également tenu caché. Plus généralement, en Afrique le nom est une composante cruciale de la personne, dont la manipulation rituelle peut avoir des conséquences réelles (fastes ou néfastes) sur l’individu concerné.

De toutes les études comparatives proposées jusqu’ici, aucune ne nous semble avoir établi de manière aussi massive et qualitative la parenté de l’égyptien et une quelconque langue avec un taux si élevé de similarité dans la terminologie de parenté. En effet, in est apparau une identité totale de la terminologie de parenté en égyptien et en basaa, ce qui constitue un exemple unique. […] D’autre part, ce sont des institutions majeures, tant dans leur contenu conceptuel, philosophique et juridique que social, culturel, rituel et symbolique, que partagent les Egyptiens et les Basaa. Ainsi en est-il de l’ordre social, juridique et institutionnel commun fondé sur la notion de Maât ou Mbok.[11]

 


***

 

Si le Mdw Ntjr est une langue apparentée au Basa, alors ses locuteurs anciens et de lointains ancêtres des Basa ont nécessairement vécu ensemble quelque part en Afrique : au Sahara autrefois verdoyant, ou dans la région des Grands Lacs ? En tout état de cause, cette parenté linguistique établie par Oum Ndigi renouvelle la problématique des migrations bantu, particulièrement celle de la genèse des nations Basa. Par ailleurs, elle renforce le paradigme Diop-Obenga d’une « Egypte nègre » ; en apportant une énième preuve contraire de la validité scientifique du modèle idéologique « chamito-sémitique » rebaptisé « afro-asiatique » :


Il convient tout simplement de faire observer que les mots présentés dans l’échantillon « égypto-sémitique » censé illustrer une étroite et exclusive parenté sont également attestés, pour la plupart, dans les langues bantu dont le basaa. Dès lors, il y a lieu de se demander si les mots ainsi relevés, contrairement aux données africaines ici mises en évidence, obéissent véritablement aux exigences phonétiques, sémantiques et lexico-statistiques pour prétendre traduire une parenté génétique entre l’égyptien et le sémitique.[12]




KLAH Popo

Septembre 2011


 


[1] Ndigi Oum, Les Basa du Cameroun et l’antiquité pharaonique égypto-nubienne : recherche historique et linguistique comparative sur leurs rapports culturels à la lumière de l’égyptologie, Thèse de doctorat (NR), Université Lyon II – Institut d’égyptologie Victor Loret, 1997, Diffusion ANRT.

[2] Oum Ndigi, op cit., p.435.

[3] Alain Anselin, Samba, éd. UNIRAG, 1992, p.11

[4] Oum Ndigi, op cit., p.54.

[5] Oum Ndigi, op. cit., p.423.

[6] Oum Ndigi, op. cit., pp.419-420.

[7] Oum Ndigi, op. cit., p.424.

[8] Oum Ndigi, op cit., p.74.

[9] Oum Ndigi, op cit., pp.69-70.

[10] Oum Ndigi, op cit., p.71.

[11] Oum Ndigi, op cit., p.455.

[12] Oum Ndigi, op cit., p.455.

5 comments to Les Basa et les Pharaons : une affaire de famille !

Leave a Reply

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.