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Eboundit Pierre, itinéraire d’un lycéen militant du M22

Eboundit Pierre en 1975

Eboundit Pierre en 1975

L’année 2013 marque le quarantième anniversaire du démantèlement du réseau d’activistes congolais dénommé « Mouvement du 22 février » ; soit le M22. Aujourd’hui pharmacien exerçant en France, et Président de la Ligue Panafricaine UMOJA, Pierre Eboundit était alors lycéen à Brazzaville ; membre actif du M22. Il retrace son itinéraire de jeune militant, dans un poignant livre-entretien publié en 2009[1] et dont nous proposons ici une note de lecture.

Un putsch manqué le 22 février 1972

Le 22 février 1972, le régime crypto-marxiste de Marien Ngouabi échappe à un putsch organisé par des militants nationalistes fatigués du « socialisme du verbe » [p.16], et de ses vains slogans révolutionnaires sempiternellement ânonnés, mais sans aucun effet significatif sur les réalités socio-économiques du Congo Brazzaville encore fermement tenu par l’impérialisme capitaliste.

Il s’ensuit une répression « brutale », « dure et sauvage » : [pp.70-71]

Près de mille six cents (1600) arrestations sont opérées sur tout le territoire national. Trois cents (300) personnes sont maintenues dans les geôles du pouvoir. Trois camarades arrêtés sont froidement assassinés : le Lieutenant Prosper Mantoumpa-Mpollo à Pointe-Noire, le membre du Comité Central du parti, ancien ministre, Elie Théophile Itsouhou et le chanteur très populaire […] Franklin Boukaka à Brazzaville. […] Une Cour martiale est créée, composée de trois militaires, chargée de juger les 183 prisonniers. Le pouvoir prononce 52 condamnations à mort.

Plus tard, dans sa feinte clémence, le président Marien Ngouabi commuera ces peines de mort en emprisonnement à vie.


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Quelques militants rescapés de cette répression terrible vont se replier dans la forêt, non loin de Brazzaville, à Goma Tsé Tsé. Parmi eux figurent Ange Diawarra[2], Jean Baptiste Ikoko, Jean Claude Bakékolo et Jean Pierre Oluka. Acculés à la clandestinité par un régime ultra-répressif, ce sont ces rescapés, soutenus par leurs relais et sympathisants en ville, qui vont être à l’origine de la formation du Mouvement du 22 février. Eboundit Pierre est l’un des ces relais à Brazzaville du groupe de « maquisards » emmené par Ange Diawarra.

Lycéen africain et nationaliste

Né le dimanche 8 juillet 1951, ce lycéen est le fils du gendarme Eboundit Médard, Maréchal de Logis-Chef brutalement décédé le 26 novembre 1963[3]. Pierre Eboundit est aussi le [pp.7-8]

[…] neveu du Colonel Yhombi Opango, Chef d’Etat Major Général des armées d’alors, et cousin du Président de la République, le Commandant Marien Ngouabi […]

Orphelin dès l’âge de douze ans, dans des circonstances aussi tragiques, le jeune Pierre a certainement mûri bien plus rapidement que la plupart des enfants de son âge. Une précocité qui pourrait être l’un des facteurs explicatifs de son engagement militant au sein du M22, a fortiori en tant qu’acteur de premier plan du « Directoire urbain » de cette organisation révolutionnaire, seulement à l’âge de 22 ans. Un autre facteur, encore plus probant, consiste dans la rencontre avec Ange Diawarra, lorsqu’en 1971 Pierre intègrera le club de karaté – « les Guépards » – de ce dernier ; en compagnie de son camarade de lycée Achille Fiolawigo : [p.18]

[…] l’engagement au M22 s’est fait essentiellement sur la base des idées du mouvement, progressistes, anti-impérialistes, au-delà de tout clivage ethnique, et sur le charisme du leader qu’était Ange Diawarra.

En avril 1972, via un autre lycéen nommé Félix Batantou Oumba, Ange Diawarra depuis le maquis contacte Eboundit Pierre. D’autres contacts entre les deux activistes suivront ; Pierre ayant même été, pendant trois (3) jours du mois de juin 1972, rendre visite à ses camarades retranchés à Goma Tsé Tsé. Ces derniers, qui voyaient déjà affluer vers eux des jeunes ruraux, s’étaient donnés [p.81] « […] comme tâche prioritaire, la conscientisation et la politisation de la paysannerie, dans une perspective anti-colonialiste et anti-impérialiste. »

De retour de ce « stage du révolutionnaire », qui comporta tout de même [p.81] « […] quelques éléments d’instruction militaire de base ; montage et démontage d’une arme, identification des pièces […] », Pierre et ses compagnons lycéens entreprirent de [p.82] « créer en milieu étudiant des cellules clandestines de soutien au « maquis ». » Ils vont produire et diffuser clandestinement des textes visant à déconstruire la propagande d’Etat, à sensibiliser leurs lecteurs sur les inconsistances idéologiques d’un régime policier n’ayant de révolutionnaire que la phraséologie, mais incapable d’une action politique efficace. C’est ainsi que le rôle de ces lycéens du M22 se consolida au fil des semaines et des mois, suscitant une sympathie grandissante au sein de la population urbaine en général, particulièrement des enseignants, y compris de certains coopérants européens, des étudiants, et a fortiori de leurs camarades lycéens.

“Petit piment” à l’assaut du GQG

La pugnacité et l’intrépidité de ces jeunes les mèneront jusqu’à diffuser leurs tracts dans la salle même où devait se tenir le « 2ème Congrès Extraordinaire du P.C.T. » ; le parti au pouvoir de Marien Ngouabi, auquel s’apprêtaient à adhérer Pascal Lissouba et Martin Mbéri. Bien plus encore, une cellule de l’organisation clandestine s’était constituée dans l’armée, sous les auspices du lycéen Augustin Malonga[4], dit le « Che » ou « Petit Piment », que l’entraînement au maquis avait particulièrement aguerri.

Le « Che » parvint, avec sa cellule de secteur, à subtiliser des armes à la caserne dite « Grand Quartier Général », grâce aux contacts militaires qu’ils y avaient établis. Cette opération d’envergure, qui fut bien délicate à monter, permit d’accroître les capacités opérationnelles du M22 ; lequel prenait une ampleur encore plus consistante. Ce à quoi, bien évidemment, le régime policier ne pouvait rester longtemps sans réaction violente, implacable, meurtrière.

Avril 1973 : Pierre brandi comme un trophée par le régime Ngouabi

Avril 1973 : Pierre brandi comme un trophée par le régime Ngouabi

Eboundit Pierre arrêté le 13 février 1973

Le mardi 13 février 1973, Eboundit Pierre est arrêté par les services de la Sécurité civile. Deux jours plus tard, ce sont des coopérants européens sympathisants du M22 qui sont également arrêtés : Paule Fioux, Paule Deville, Alain Bordelais. [pp.106-107]

La répression va s’étendre à l’armée, aux jeunes des quartiers et à quelques paysans pris dans la zone d’activité du « maquis ». En mars 1973, l’armée est engagée dans une campagne de ratissage dans la région de Goma Tsé Tsé. Elle brûle des villages, des plantations de manioc, elle pille, et les femmes sont violées.

S’ensuivront des simulacres de procès politiques pour les survivants ; avec l’expulsion des uns et l’incarcération des autres, dont Eboundit Pierre.

Mobutu aide Ngouabi à décapiter le M22

Quant à Ange Diawarra, ainsi que dix-sept autres de ses compagnons du maquis, ils vont traverser le fleuve Kongo pour se replier au Zaïre ; d’où ils feront l’objet d’une transaction macabre entre les régimes de Mobutu Sesse Seko et de Marien Ngouabi : en échange de l’extradition de « douze militaires progressistes zaïrois » accusés d’avoir tenté de renverser Mubutu, et réfugiés pour cela au Congo, les militants du M22 repliés au Zaïre sont arrêtés le 24 avril 1973 et remis pieds et poings liés aux autorités congolaises. Ange Diawarra et ses compagnons du maquis seront criblés de balles, alors qu’ils étaient ligotés et sans défense, et « achevés comme des animaux ». Dans le même temps, les militaires zaïrois connaissaient le même impitoyable sort extra-judiciaire, entre les mains cruelles de la soldatesque de Mobutu.

Le Mouvement du 22 février venait ainsi d’être décapité, grâce à la coopération criminelle efficace de deux régimes assassins qui sévissaient simultanément sur les deux rives du fleuve Kongo : l’un installé par la CIA et ouvertement inféodé à l’impérialisme capitaliste ; l’autre feignant de combattre ce même impérialisme capitaliste, en intoxiquant le peuple congolais de logorrhée marxisante. De fait, par sa dénomination même, ce M22 rappelle à Marien Ngouabi, à ses tristement célèbres sécurocrates Yhombi Opango et Denis Sassou Nguesso, la mystification grotesque en quoi consiste leur régime prétendument marxiste, révolutionnaire, qui pratiquait les arrestations arbitraires, exécutions sommaires et autres répressions sauvages sur un peuple congolais qu’il était pourtant sensé défendre contre l’impérialisme.

Le M22 est ainsi devenu la mauvaise conscience politico-idéologique d’un régime africain du « Soleil des indépendances » se gargarisant de logorrhée révolutionnaire, auteur des pires crimes contre son propre peuple, dans le même temps où les ressources naturelles du pays (bois, hydrocarbures, etc.) étaient/sont accaparées par le capitalisme cupide, au détriment des Congolais – pour le malheur des Africains. En réalité, ce fameux « soleil des indépendances » a été une véritable hécatombe du nationalisme africain, avec l’éradication touts azimuts des personnalités et mouvements politiques continentaux (ex. Um Nyobè et l’UPC au Cameroun, Kragbé Gbangbé et le PANA en Côte d’Ivoire, ici Ange Diawarra et le M22, etc.), qui aspiraient aux vrais changements en profondeur de la société colonialiste, en vue de former une nation souveraine, disposant librement de ses propres ressources naturelles, monétaires ou humaines, mises en œuvre dans l’intérêt supérieur du Peuple Noir.

***

22 février 1972…

13 février 1973…

Un autre mémorable mois de février de la brûlante décennie 1970 nous emmène aux Antilles : le 16 février 1974, l’armée coloniale française y assassine un ouvrier agricole gréviste nommé Renord Ilmany :

Une embuscade avait été tendue contre les grévistes regroupés sur l’habitation Fonds Brulé au Lorrain. Une dizaine de camions de gendarmes poursuivaient les grévistes qui regagnaient en groupe la commune de Basse-Pointe. Un hélicoptère crachait sur eux des grenades lacrymogènes. C’est à ce moment que les ouvriers, accompagnés de jeunes militants, ont été pris en chasse par les gendarmes qui ont tiré. Plusieurs ont été blessés, Omer Cyrille, Guy Crétinoir, Rasroc, François Rosaz. Renord Ilmany est tué. Dans cette tuerie, un autre ouvrier trouvera la mort. Un jeune ouvrier maçon, gréviste, Georges Marie-Louise, sera retrouvé deux jours plus tard, gisant mort à l’embouchure de la rivière Capot également dans la commune du Lorrain, probablement après avoir été frappé à mort par les membres des forces de répression, gendarmes ou autres. La soldatesque s’était une fois encore déchaînée contre des travailleurs en grève pour défendre leur pain et leurs droits.

Au delà de l’océan, outre les déportations transatlantiques, la communauté de destin du Peuple Noir d’Afrique et des Antilles se poursuit dans l’espace et dans le temps : certes à travers le Code de l’Indigénat ; mais aussi eu égard à la similitude systémique de la répression féroce de ses aspirations socio-politiques légitimes par les forces impérialistes occidentales ou leurs affidés nègres. Cette indéniable communauté de destin, notamment dans la lutte anti-impérialiste, est une condition historique suffisante pour envisager ensemble un avenir commun : fait de souveraineté politique, de Renaissance civilisationnelle, de reprise en main totale et définitive de notre destin collectif, grâce à la mutualisation de nos ressources militantes. Résister pour survivre, s’unir pour renaître…

En tout état de cause, c’est de cet idéal d’unité des nations nègres face au Yovodah qu’est porteur le mouvement panafricaniste inauguré au XIXè siècle par des Africains-Caribéens. Aussi, eu égard à sa trajectoire personnelle, la contribution majeure de Pierre Eboundit à la création récente de la Ligue Panafricaine UMOJA peut-elle se comprendre comme l’une des conséquences ultimes de son passé militant au sein du M22. Assurément, le nationalisme africain est une antichambre du Panafricanisme politique.

Umoja Ni Nguvu !

KLAH Popo

Août 2013


[1] Pierre Eboundit, Le M22 une expérience au Congo – devoir de mémoire, éd. Ccinia communication, 2009.

[2] P.50 : A l’arrivée au pouvoir de Marien Ngouabi, « […] Ange Diawarra est nommé Commissaire Politique à l’Armée, membre du Haut-Commandement et Chef de corps du bataillon d’infanterie. »

[3] Ce jour du 26 novembre 1963, la famille Eboundit était à la Gare CFCO de Brazzaville, sur le point de prendre le train en partance pour Dolisie où le gendarme Eboundit venait d’être affecté. C’est dans le hall central de cette gare ferroviaire que survint le terrible décès : [p.13] « Papa était là, foudroyé net, le sang sortait de ses narines et de ses oreilles. […] Son corps passe devant moi, et je l’appelle « Papa ! Papa ! ». Pas de réponse. Silence. […] Pour nous, le voyage à Dolisie s’arrêtera au perron de la gare CFCO de Brazzaville. »

[4] pp.97-98 : « Le camarade Augustin Malonga dit le « Che », ancien enfant de troupe (A.E.T), était lycéen comme moi. […] Le « Che » était un ancien élève de l’Ecole Militaire Préparatoire (Ecole des Cadets de la Révolution), il prenait des cours au lycée Chaminade et il vivait à la caserne du G.Q.C (Grand Quartier Général). »

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