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Ecole Africaine Afrocentrée

Par « école africaine afrocentrée », on entend une école africaine ayant expressément l’Afrique et la Diaspora africaine pour préoccupation épistémologique fondamentale, et dont les modalités organisationnelles seraient inspirées de pratiques éducationnelles et institutions pédagogiques négro-africaines – endogènes.

A terme, l’école africaine afrocentrée délivrerait ses enseignements dans les langues africaines classiques (ex. l’ancien égyptien) et contemporaines (bambara, swahili, haoussa, kikongo, peulh, etc.) ; en mobilisant des systèmes d’écriture autochtones, ainsi que les « systèmes de connaissance endogènes » tel que préconisé par La Charte de la Renaissance Culturelle Africaine :


Article 7

1. Les Etats africains s’engagent à oeuvrer pour la Renaissance Africaine. Ils conviennent de la nécessité d’une reconstruction de la mémoire et de la conscience historique de l’Afrique et de la diaspora africaine.

2. Ils considèrent que l’Histoire Générale de l’Afrique, publiée par l’UNESCO, constitue une base valable pour l’enseignement de l’histoire de l’Afrique et recommandent sa large diffusion y compris dans les langues africaines et recommandent en outre la publication de versions abrégées et simplifiées de l’histoire de l’Afrique pour le grand public.

Or, telle qu’elle a été héritée de la colonisation, l’école africaine contemporaine d’expression française est plutôt inspirée par Jules Ferry, l’un des principaux idéologues de la colonisation française. Cette « école à la Ferry » travaille à fabriquer des générations africaines d’idolâtres de la France, de sa langue, de ses lettres, œuvres d’art, paysages, personnages historiques, institutions politiques, académiques, voire  de « nos ancêtres les Gaulois » [1] :

Si l’Empire français s’est illustré dans ses provinces les plus lointaines par une inégalité juridique qui conduira à la revendication des indépendances, il a aussi réussi à convertir une minorité de locaux à son idéal. C’est à cette minorité influente que le pouvoir a été confié après les indépendances.

Aussi étonnant que cela paraisse, les pays africains francophones sont aujourd’hui encore dirigés par cette élite marquée par le culte de la mère patrie française à un degré à peu près comparable à celui des alsaciens et des Lorrains après 1870. Une élite africaine qui fut elle aussi bercée par la chanson de la « douce France pays de mon enfance » ; c’est-à-dire par cette poésie du sacrifice de soipour la mère patrie que rappellent en permanence les manuels d’Ernest Lavisse.

Le roman national français – en installant psychologiquement cette élite africaine dans la continuité des Gaulois – n’a pas fini d’être structurant. Il alimente toujours sa représentation. Un représentation héritée de l’école de Jules Ferry que tentent encore de pérenniser les institutions françaises de coopération : les conseillers techniques de l’éducation nationale française auprès des ministres africains chargés de l’éducation, les Alliances et les Agences françaises en Afrique ainsi que les divers organismes de coopération universitaire franco-africaine.


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L’une des voies possibles pour sortir de cette aliénation éducationnelle consisterait dans la remobilisation d’institutions et pratiques éducatives négro-africaines ancestrales, en vue de les adapter aux nouveaux enjeux politico-culturels et scientifiques de l’Afrique contemporaine[2]. On voudrait en esquisser très brièvement une piste en nous appuyant sur l’extrait ci-après du grand sage Amadou Hampaté Bâ :

La tradition considère que la vie d’un homme normal comporte deux grandes phases : l’une ascendante, jusqu’à soixante-trois ans, l’autre descendante, jusqu’à cent vingt-six ans. Chacune de ces phases comporte trois grandes sections de vingt et un ans, composée de trois périodes de sept ans. Chaque section de vingt et un ans marque un degré dans l’initiation, et chaque période de sept ans marque un seuil dans l’évolution de la personne humaine. Ainsi par exemple, pendant les sept premières années de son existence, où la personne en formation requiert le plus de soins possible, l’enfant restera intimement lié à sa mère dont il dépend pour tous les aspects de sa vie. De sept ans à quatorze ans, il est confronté avec le milieu extérieur dont il reçoit les influences, mais il éprouve toujours le besoin de se référer à sa mère, qui reste son critère. De quatorze ans à vingt et un ans, il est à l’école de la vie et de ses maîtres, et s’éloigne progressivement de l’influence de sa mère. L’âge de vingt et un ans marque un seuil très important, puisqu’il est celui de la circoncision rituelle et de l’initiation aux cérémonies des dieux. Pendant la seconde tranche de vingt et un ans, l’homme va mûrir les enseignements qu’il a reçus dans la période antérieure. Il est alors considéré comme étant à l’écoute des sages, et s’il arrive qu’on lui donne la parole, c’est par faveur, ou mise à l’épreuve, et non par droit. A quarante-trois ans par contre, il est censé avoir atteint virtuellement la maturité et figure parmi les maîtres. Ayant droit à la parole, il est tenu d’enseigner aux autres ce qu’il a appris et mûri durant les deux premières périodes de sa vie. A soixante-trois ans enfin, terme de la grande phase ascendante, il est considéré comme ayant achevé sa vie active et n’est plus astreint à aucune obligation, ce qui ne l’empêche pas, éventuellement, de continuer à enseigner, si telle est sa vocation ou sa capacité.[3]

D’une manière générale, la mère est la figure emblématique de l’éducation traditionnelle africaine, pour les premiers âges de la vie. D’ailleurs, ne dit-on pas que le père est le père de tous, tandis que la mère est la mère de soi ? Ainsi, la figure de la mère est verticale, généalogique ; tandis que la figure du père est horizontale, sociologique. La mère arrime l’enfant à la vie, à la Terre ; tandis que le père l’engage en Société, dans les relations aux Autres. Il s’ensuit que l’enseignement, dans la première section de vingt et un ans, pourrait être administré par des enseignantes en son premier tiers, et par des enseignants en son second tiers ; tandis que de 14 à 20 ans il y aurait autant d’enseignantes que d’enseignants.

Dans la deuxième section de vingt et un ans, des enseignants s’occuperaient de la première période de sept ans, tandis que des enseignantes s’occuperaient de la seconde période. Enfin, la troisième période serait mixte ; de même que les suivantes. Tous les vingt et ans, on pourrait inverser l’ordre d’enseignement dans cette deuxième section, afin d’éviter de figer des règles dont il faut bien comprendre qu’elles restent conventionnelles. Sauf qu’ici lesdites conventions sont fondées en tradition négro-africaine, et n’ont rien à envier à toutes autres qui présideraient à l’organisation de l’éducation publique en Afrique Noire : certainement pas à une tradition pédagogique visant à faire des écoliers africains des étrangers à leurs propres traditions ancestrales de conservation-diffusion de savoirs.

Les voyages forment la jeunesse dit-on ; aussi les élèves africains voyageraient-ils régulièrement aux frais d’institutions nationales, sous-régionales ou panafricaines : d’abord, dans les différentes villes de leur propre pays lors de la dernière période de la première section (14-20) ; puis dans différents pays africains lors de la première période de la seconde section (21-27) ; enfin ailleurs dans d’autres contrées du monde, entre 28 et 34 ans, pour les cycles supérieurs de recherches scientifiques et de spécialisation dans la connaissance des autres civilisations du monde.

Outre les questions de forme ou de rythme adaptés au contexte africain, il y a donc celle du contenu des programmes scolaires destinés aux Africains. Ces programmes devraient être principalement axés sur l’Afrique, sur la connaissance de son histoire, de sa géographie, de son économie, de ses cultures matérielles, intellectuelles et spirituelles. De ce point de vue, nombre de champs épistémiques ouverts ou approfondis par des chercheurs africains devraient être réhabilités, revalorisés dans les dispositifs pédagogiques afrocentrés.

Par exemple, l’on pourrait élaborer un corpus de disciplines fondamentales à partir des travaux tels que ceux de :

– Cheikh Anta Diop et Théophile Obenga sur « la linguistique historique africaine »,

–  Niangoran Bouah sur la « drummologie », ou étude du langage tambouriné africain,

–  Djibril Samb sur la science de  «l’interprétation des rêves en Afrique Noire », que l’on pourrait nommer « onilorogie afrocentrique »,

– Alphonse Tiérou sur les « paroles de masques » et l’étude chorégraphique de la danse classique africaine.

l’Ecole africaine de kamêwlogie, avec les auteurs comme Aboubacry Moussa Lam, Yoporéka Somet, Oscar Pfouma, Alain Anselin, Mubanbige Bilolo, Oum Ndigi, Babacar Sall, des revues Ankh et Cahiers Caribéens d’Egyptologie.

Ce corpus pourrait constituer la base d’un enseignement universitaire afrocentrique, délivré dans des institutions dédiées, en Afrique comme ailleurs. Un arbre pédagogique commun, à l’ombre duquel s’abriteraient, se ressourceraient et s’activeraient des générations d’élèves africains. Ceux-ci ayant vocation, ensuite, à en consolider les racines, à en essaimer les graines tous azimuts, et à en extraire d’innombrables fruits pour la connaissance scientifique approfondie des réalités africaines selon des préoccupations épistémiques formulées par les Africains eux-mêmes d’abord. En effet, connaître, c’est avant tout se connaître soi-même.

En tout état de cause, une collectivité humaine qui ne se dote pas des moyens éducationnels permettant de savoir d’où elle vient, peut a fortiori difficilement déterminer collectivement où elle veut aller, et comment y parvenir. En d’autres termes, les écoliers africains ne pourraient pas aimer véritablement leur continent s’ils ne le connaissaient pas physiquement aussi bien que scientifiquement ; si celui-ci ne devenait pas l’objet essentiel de leurs préoccupations épistémologiques. Le futur personnel politique africain pourrait d’autant mieux défendre les intérêts économiques et industriels des Africains qu’il connaîtrait l’espace géographique en quoi consiste l’Afrique, de même que l’emplacement précis des principales ressources naturelles du continent, et la valeur industrielle de ces ressources en tant que gisements de valeur ajoutée. L’Afrique, comme objet d’études pluridisciplinaires, doit être résolument mise au cœur des projets éducatifs de l’école africaine. Cette exigence est une condition nécessaire des ambitions de Renaissance Africaine réactivées en ce début de XXIè siècle.



[1] Antoine Nguidjol, Repenser l’héritage de Jules Ferry en Afrique noire, éd. L’Harmattan, 2008, pp.77-78

[2] Jean-Pierre Kaya, Théorie de la révolution africaine, tome 1 : Repenser la crise africaine, éd. Pyramide Papyrus Presse, 2005

[3] Amadou Hampaté Bâ, Aspects de la civilisation africaine, éd. Présence Africaine, 1972, pp.12-13