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Le « Roi Amador » de São Tome, précurseur de l’abolitionnisme africain

La guerre perdue du Roi Amador contre le système esclavagiste saotoméen, à la toute fin du XVIè siècle, est l’une des premières de cette importance jamais entreprise en Afrique contre l’économie négrière transatlantique. Il est donc ahurissant qu’elle soit passée sous silence par Olivier Petré-Grenouilleau, dans un ouvrage prétendument « d’essai d’histoire globale » qui occulte volontiers les mouvements abolitionnistes négro-africains, jusque y compris le célébrissime cas de la Révolution d’Ayiti qui, elle, a été pourtant couronnée d’un succès militaire éclatant aux dépens de la France[1].

Deux catégories sociales ont été particulièrement actives à Sao Tomé, dès le XVIè siècle, dans les luttes anti-esclavagistes. Il s’agit des Mocambos[2] et des Angolares, c’est-à-dire respectivement les captifs africains s’étant enfuis des propriétés esclavagistes ; et une population nègre, probablement originaire de Ngola, vivant dans l’extrême sud de l’île, à l’écart de la société coloniale saotoméenne, ayant ses propres structures et infrastructures sociales autonomes. A partir de 1530, les archives portugaises de la colonisation de Sao Tomé font état, en plusieurs occurrences, de soulèvements d’esclaves nègres fugitifs, qui harcèlent fréquemment les plantations esclavagistes rurales et incendient parfois les agglomérations urbaines. Des milices sont alors constituées et partiellement entretenues par le trésor royal portugais, en vue de combattre cette guérilla des précurseurs des neg mawon antillais[3].


A la différence des Mocambos, constitués en petites communautés éparses de fugitifs, les Angolares forment une véritable société politique à part entière, fonctionnant selon un modèle homogène d’organisation négro-africain, avec ses forces armées suffisamment nombreuses, dirigées par des chefs de guerre, composées de personnels effectivement spécialisés. En fait, leur monde n’est pas une périphérie de la société coloniale ; c’est un univers autonome, se suffisant à lui-même dans son territoire exclusif, qui progressivement deviendra une société concurrente de celle des colons européens, en vue de l’occupation totale de l’île. En effet, l’expansion à Sao Tomé de l’économie sucrière accroît les surfaces cultivées de champs de canne à sucre, étendant peu à peu l’espace colonial aux confins de celui des Angolares, mettant bientôt les deux entités face à face ; les Mocambos occupant leurs interstices frontalières.


Les flux de plus en plus volumineux de réfugiés en brousse provoqués par les fréquentes attaques de pirates (français, hollandais, etc.) accentuent la pression sur l’espace vital des Angolares ; lesquels entreprennent d’y réagir à partir de 1574, entrant régulièrement en confrontation avec les troupes coloniales pendant des décennies. La convergence de leur combat avec celui des Mocambos crée des alliances entre ces deux catégories de population ; alliances dont Amador (« esclave né dans l’île, sur le domaine de Bernardo Vieira ») sera la figure emblématique[4].


Transfuge de la société coloniale, qu’il connaît particulièrement bien pour y être né en servitude, Amador parviendra à rassembler sous son autorité toutes les forces anti-coloniales installées en brousse, dans une structure sociale particulièrement militarisée. Cette armée de Nègres abolitionnistes emprunte son étiquette à l’armée coloniale. Le 11 juillet 1595, toute « la région de Trindade à celle de Pantufo, à 5 km de Sao Tomé, en passant par Guêgue, Santana, Uba-Budo, Praia Preta, Praia Melao » est saccagée et mise à feu. Certains des esclaves ainsi libérés rejoignent les troupes du Roi Amador, d’autres partent vers la ville-capitale. Mais celle-ci est attaquée à son tour, le 14 juillet 1595, par l’armée du Roi Amador répartie en cinq divisions qui prennent d’assaut la ville de Sao Tomé par cinq fronts simultanés :


Ainsi Amador, descendant de la paroisse de Trindade arrive-t-il par le chemin de Madre Deus qui conduit directement au centre-ville. Sous la responsabilité du capitaine Lazaro, la deuxième division,partie de la paroisse Santana, s’engouffre dans la rue de Santo Antonio. La troisième, dirigée par le capitaine Critovao et composée essentiellement de soldats angolares arrive du sud et passe par Matos dos Bois. Quant à la quatrième, elle emprunte le chemin de Conceiçao. Et enfin, la cinquième division, sous les ordres du terribleDomingo Preto, investit la ville par le nord et regagne la rue Sao Joao, prolongement de la rue d’Espalmador. [5]


Au bout d’une quinzaine de jours, la surprise des attaques foudroyantes du Roi Amador ayant épuisé ses effets sur les colons, ceux-ci se ressaisissent, organisant une riposte victorieuse qui obligera le Roi Amador et ses troupes à se replier sur leurs bases arrières. Leurs positions retranchées seront harcelées durant tout le XVIIè siècle par les forces coloniales, après avoir éliminé le Roi Amador et la plupart de ses chefs militaires.


Cependant, ces rudes affrontements débutés en juillet 1595 inciteront de nombreux colons rescapés à fuir Sao Tomé[6]. D’aucuns iront s’établir en métropole, ou dans les autres colonies portugaises d’Afrique, notamment celles qui se créent dans le bassin du fleuve Kongo. D’autres s’établiront au Brésil, où ils emportent leur expérience séculaire de la plantation sucrière, ainsi que plusieurs captifs africains spécialisés dans cette activité : toute cette population transfuge des côtes africaines sera précurseure en Amérique de l’économie négrière de plantation. Le tissu économique négrier de Sao Tomé s’en ressentira vivement, puisque de 60 moulins à sucre vers 1550, l’île n’en comptera plus qu’environ 25 à la fin du mois du juillet 1595.


De fait, sans éradiquer définitivement le système colonialiste à Sao Tomé, la guerre des Angolares (conjuguée avec d’autres facteurs exogènes, tels que les invasions pirates et l’exode vers l’Amérique) l’aura sévèrement perturbé ; soustrayant l’île à une domination étroite de toute puissance coloniale étrangère. Désormais, son destin politique sera progressivement contrôlé par ses propres habitants, en particulier mulâtres et créoles. En effet, la ruée européenne vers l’eldorado américain, à partir du XVIIè siècle, laisse les colonies insulaires africaines en héritage aux descendants africains de leurs premiers colons blancs.  Ces Békés saotoméens vont progressivement se « nigrifier », en raison de la raréfaction d’apport de sang de Blanc dans la formation de la population saotoméenne ultérieure.


Cette guerre de juillet 1595 et les longues décennies d’affrontements sporadiques qui s’ensuivent, entraînent une bipolarisation antinomique de l’île entre, d’une part les colons et leurs affidés locaux (créoles, mulâtres), d’autre part les Angolares et leurs partisans (créoles, mocambos). La défaite du Roi Amador, ainsi que son décès, scelle définitivement le sort esclavagiste de Sao Tomé, dont l’économie restera toujours dépendante de l’exploitation d’une main d’œuvre servile par ses habitants, quoiqu’eux-mêmes majoritairement descendants d’esclaves nègres.

L’on doit donc une fière chandelle à Izequiel Batista de Sousa d’avoir exhumé l’épisode crucial du  «Roi Amador», ce fameux héros de l’histoire des mouvements abolitionnistes négro-africains, précurseur des Nzumbi de Palmarès, Makandal, Toussaint Louverture et autres Samory Touré : tant de grandes figures de la résistance nègre à la barbarie esclavagiste des Blancs.



Par KLAH Popo



[1] Aimé Césaire, Toussaint Louverture – La Révolution française et le problème colonial, éd. Présence Africaine, 1981

[2] Izequiel Batista de Sousa, Sao Tomé et Principe de 1485 à 1755 : une société coloniale – du Blanc au Noir, éd. L’Harmattan, 2008, p.156 : « Etymologiquement le mot mocambo vient du Kimbundu et signifie : faîte, sorte de toit. Il est particulièrement utilisé au XVIè siècle dans les  colonies portugaises. Selon Novo Dicionario Enciclopédico Luso-Brasileiro, le terme signifie : lieu où l’on cache les troupeaux dans la brousse ou encore la cabane où s’abrite le berger. Le mot mocambo utilisé en brésilien a une signification précise, il désigne les huttes ou les cabanes rudimentaires fabriquées par les fugitifs à partir de matériaux trouvés dans la nature, bois branchages, chaume, palmes, etc. »

[3] Izequiel Batista de Sousa, op. cit. p.337

[4] Izequiel Batista de Sousa, Sao Tomé et Principe de 1485 à 1755 : une société coloniale – du Blanc au Noir, éd. L’Harmattan, 2008, p.167 : « Véritable leader, Amador possède un charisme incontestable, un sens de l’organisation redoutable ainsi qu’une réelle aptitude à commander. […] Il est certain qu’il ne pouvait pas être un simple esclave des champset qu’il devait appartenir au personnel domestique. De même, il semble avoir été instruit. Sa carrière n’a d’ailleurs pas débuté au moment de sa fuite dans la brousse. Il semblerait qu’il dirigeait déjà clandestinement une organisation d’esclaves présente sur toutes les plantations alors même qu’il se trouvait en esclavage. »


[5] Izequiel Batista de Sousa, op. cit. p.171

[6] Izequiel Batista de Sousa, op. cit. pp.207-208 : « La guerre des Angolares (1594-1595), puis l’invasion hollandaise (1599-1600) eurent pour conséquence l’accentuation de l’exode des propriétaires latifundiaires, pour la plupart blancs et mulâtres. […] Après 1700, la diminution de la population blanche s’accentue. Le gouverneur Sotto Mayor, dans une lettre à la Couronne en date du 3 juillet 1737, signalera que l’archipel est peuplé de 11000 personnes noires, mulâtres et esclaves et de suelement 12 Blancs. En 117 ans, la proportion de la population blanche au sein de la population des deux îles est passée de 8.6% à 0.10%. »

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