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J’ai compris que les Antillais étaient des Africains

Quid des enfants d’Agnès et Muriel, les petits-fils de Marie-France, qu’elles ont eu « évidemment » avec des époux blancs ? Ils ont le phénotype « parfait » de Blancs, et pourraient ainsi passés inaperçus au filtre racialiste de la couleur de peau qui assigne à un statut précis dans les sociétés colorio-stratifiées par la « Suprématie blanche ».

Cette « filière matrimoniale » est le parcours rêvé de beaucoup de personnes d’ascendance africaine, qui espèrent ainsi sauver leur propre descendance de la « Malédiction de Cham », en lui préparant un avenir moins discriminatoire dans un « monde-de-Blanc ». Toutefois, ce n’est pas exactement ce à quoi aspirait Marie-France ASTEGIANI-MERRAIN, qui, au contraire, a tenu vivement à témoigner de sa négritude à travers ce livre poignant intitulé « La Passeuse de Mémoire ».

Malgré une éducation familiale métropolitaine vouée essentiellement au reniement de ses origines africaines-martiniquaises, les précieux moments passés en compagnie de son grand-père Charles PELAGE ont instillé en la petite Marie-France une curiosité viscérale de cette part de son identité : (p.75) « Je me sentais tellement bien avec lui ! Je l’écoutais avec attention, je buvais littéralement ses paroles. Il me sécurisait… Je crois que cela tenait au fait qu’il se sentait bien dans sa peau de noir, sa peau de Martiniquais ».

Les vexations négrophobes qu’elle a subies étant enfant y ont également contribué : (p.34) « Je me rappelle encore de ma nourrice… J’avais six ans et je m’étais disputée avec sa fille qui m’avait exaspérée et que j’avais finie par mordre. Ma nourrice m’avait mis une muselière et m’avait jeté dans le chenil !»

En 1975, le décès de ce patriarche afrodescendant pousse sa petite-fille – alors âgée de 30 ans – à approfondir davantage la question de ses origines non-européennes. P.76 : « J’ai vécu son décès comme une perte d’identité. Je n’avais plus de repères. C’était extrêmement violent, traumatisant. Mais en même temps tout s’est décanté… Il fallait absolument que je trouve d’où je venais même si c’était douloureux. J’ai compris que les Antillais étaient des Africains et mon regard sur le continent africain a complètement changé. D’une forme de rejet, je suis passée à une revendication ouverte de mes racines.»

Cela l’amènera progressivement à s’engager dans le combat associatif contre le racisme et pour la reconnaissance de l’esclavage et des déportations transatlantiques comme crime contre l’humanité. Il faut noter que déjà en 1965, Marie-France ASTEGIANI-MERRAIN avait adhéré au Parti communiste français ; cependant elle trouvait le PCF trop timoré au sujet de l’esclavage.

En 1984, elle retrouvera le pays maternel de son grand-père, à travers son premier séjour à la Martinique. En 1990, le décès de son mari, Michel ASTEGIANI, qui fut aussi militant communiste, ne fera qu’accentuer la quête de soi de Marie-France. C’est ainsi que dans cette même décennie a lieu son premier voyage en Afrique (1999), précisément au Sénégal où elle visite Gorée ; soit quinze ans après avoir foulé la terre natale de Charles PELAGE à Fond-Masson.

Outre ce rapport identitaire fort incarné par la saisissante figure du grand-père paternel, certaines rencontres littéraires et associatives de Marie-France ont eu une grande importance dans son cheminement personnel. Par exemple, la lecture d’Angela DAVIS (pp.126-127) l’encourage à arrêter de se défriser et à assumer fièrement son phénotype non-blanc ; elle qui avait commencé à mutiler (ou défriser) ses cheveux dès l’âge de 12 ans (p.33).

 

***

« J’ai éprouvé le besoin de ramasser un peu de cette terre du Sénégal. J’en ai donné à mon père et, tous les deux, nous sommes allés en déposer sur la tombe de mon grand-père. » (p.154)

On peut se demander pourquoi le pèlerinage en Afrique de Marie-France ne s’est pas déroulé plutôt au Bénin (Ouidah ?), le pays d’origine probable de son arrière-grand-mère Clémentia PELAGE. Nonobstant, il reste qu’à l’orée de son soixante-dixième anniversaire, la petite-fille du Saléen Charles PELAGE a voulu laisser un vibrant témoignage écrit de son afrodescendance à ses petits-fils blancs de peau, afin que ceux-ci se souviennent à jamais de leurs ancêtres Africains-Martiniquais : Clémentia, Tiburce, Charles, etc.

Au-delà, ce livre de Marie-France ASTEGIANI-MERRAIN s’adresse à tout le monde, notamment à ceux qui portent leur négritude comme un fardeau, comme une honte, voire une malédiction : « un bout de bois à beau séjourner dans l’eau, il ne devient jamais caïman ! ».

Pour les Africains du Continent-Mère ou de la Diaspora, la perte de repères identitaires, le manque de confiance en soi, sont des fléaux de l’aliénation culturelle consécutive au Yovodah ; fléaux qu’il est possible de surmonter en se reconnectant à soi-même, à son Ancestralité. Or, cette reconnexion à soi, ce Back-to-Africa, passe également par une anamnèse collective, par un système d’éducation publique décolonisé.

J’ai introduit dans cette note de lecture des considérations coloristes (« peau sauvée », « mulâtre », « quarteron », « octavon », etc.) qui, visiblement, ne font pas partie de la grille d’analyse de l’auteure. En effet, Marie-France étant née en Métropole et y ayant passé l’essentiel de sa vie, n’a certainement pas été directement confrontée aux questions identitaires dans les termes spécifiques où celles-ci se posent aux Antilles à travers les diverses variétés et nuances de couleur de la peau ; lesquelles problématiques ont été particulièrement prégnantes chez les Antillais de sa génération restés ou retournés vivre au pays.

Pour autant, il m’a semblé intéressant de solliciter en ce sens l’ouvrage de l’auteure, car je vois dans ces « considérations coloristes » le versant « ultra-marin » du racisme – entre autres – de la nourrice ou des sœurs catholiques subi à  la Métropole et dont Marie-France a témoigné. Ce contraste du prisme métropolitain du racisme avec un prisme « ultra-marin » du racialisme me semble particulièrement instructif : une quarteronne de 70 ans née en Martinique, et qui y aurait passé toute sa vie, aurait-elle pu écrire un livre comme « La Passeuse de Mémoire », en vue d’y clamer haut et fort l’africanité de sa culture « métissée » ; de surcroît à l’attention de ses blancs petits-fils ? Combien de Béké clament-ils « la goutte de sang noir » laissée dans leur lignage par l’esclave africaine qu’un aïeul créole a jadis enceintée – à moins que ce cas de figure n’ait jamais existé dans cette caste de plantation ?

Assurément, les Antillais sont des Africains. N’en déplaise…

 

KLAH Popo

Décembre 2015



[1] Marice-France ASTEGIANI-MERRAIN, La Passeuse de Mémoire – Le rêve construit l’homme qui le porte, éd. EYETIME, 2015

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