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La rupture : dans quel contexte et avec quels acteurs ?

Vers une nécessaire rupture avec l’aide internationale. Quelles nouvelles voies de financement du développement pour la Côte d’Ivoire ?

Ci-après le quatrième et  dernier extrait de la contribution de Gisèle Dutheuil, dont le titre est rappelé ci-dessus.  Où l’auteur met l’accent sur le rôle crucial que doivent jouer les intellectuels africains dans la diffusion, à destination des peuples africains, des idées de rupture avec la servilité épistémique et le mimétisme politique.


a)      La crise financière mondiale


La crise financière mondiale a accéléré le discrédit des institutions financières internationales et a fait éclater la légitimité du système néolibéral. Le continent est une victime collatérale de la situation. Bien que la Côte d’Ivoire soit partiellement épargnée par le maintien du cours du cacao, la baisse des coûts des matières premières entraînera une baisse des recettes d’exportations durablement, ainsi que, comme vu précédemment, la diminution des transferts des émigrés vers leur pays d’origine. Cependant, la baisse attendue de l’enveloppe de l’aide ne doit pas être analysée négativement, bien au contraire. Elle pourrait forcer les dirigeants africains à rechercher de nouveaux modes de financement ainsi qu’une optimisation des ressources disponibles dans leur pays.


Cette situation offre à l’Afrique une occasion unique de se libérer de l’influence de l’idéologie néolibérale et du contrôle des IFI. Dans ce contexte, les pays africains devraient avoir le courage et la volonté de rompre avec les politiques en échec et de rejeter l’austérité budgétaire et monétaire, telle que prescrite par FMI, car ces politiques n’ont pas de logique en temps de crise. Elles ont plutôt tendance à étouffer la croissance économique en limitant les investissements publics aux secteurs clés tout en réduisant fortement les dépenses sociales.


C’est les grandes crises que les rapports figés sont bouleversés, que les nouveaux modèles se dessinent et que les grands changements deviennent possibles. Alors que l’Afrique a été soumise, ces dernières années, à une réduction drastique du train de vie de ses Etats pour les rendre aptes à rembourser leur dette extérieure, on voit qu’en période difficile, les Etats-Unis, l’Europe et d’autres pays de l’OCDE optent pour des politiques opposées et appliquent les mesures qui ont toujours été interdites à l’Afrique pourtant en crise chronique.


L’Etat doit avoir sa place dans le processus de développement. Un Etat défaillant est aussi préjudiciable qu’un Etat trop interventionniste. Les politiques de ces dernières années ont ralenti la création d’un Etat de droit, préalable obligatoire à toute tentative de développement pérenne. Les pays d’Afrique auraient tout intérêt à s’engager dans l’élaboration d’un cadre institutionnel équilibré propice à la nouvelle voie envisagée. De surcroît, l’échec du modèle occidental, exacerbé par la crise financière, devrait les inciter à rompre avec le mimétisme et à dessiner un modèle qui leur est propre car la dimension culturelle du développement ne doit jamais être perdue de vue dans toute tentative de reconstruction du continent.



b)      Le contexte national


La rupture au sein d’un programme global de développement


La priorité devrait désormais résider dans la réduction drastique de l’enveloppe de l’« aide » au bénéfice d’une refonte de la stratégie de développement. Effectivement, oser s’engager sur la voie de la rupture nécessite d’associer à la démarche un programme novateur de développement incluant beaucoup d’audace politique. Quelques unes des priorités devraient être de :


bâtir un Etat de droit avec des missions précises : pour rompre avec les excès incontrôlables et la mauvaise gestion, tout programme de développement doit commencer par la mise en place d’un cadre limitant les excès et prévoyant les contrepoids, mais également par une définition du rôle même de l’Etat qui doit être acteur, facilitateur, mais nullement frein par une omniprésence inopportune.


– attribuer des titres fonciers : le droit de propriété constitue l’ossature des institutions modernes qui caractérisent l’économie de marché. L’économiste Hernando de Soto[1] a d’ailleurs exposé que des droits de propriétés qui n’étaient pas efficients et bien définis constituent les obstacles principaux à l’esprit d’entreprise. L’enregistrement et la protection de ces droits sont essentiels.


– reprendre en main la monnaie qui est le pilier de l’économie


– dynamiser les échanges commerciaux intra-régionaux


– recentrer les réseaux d’alliance vers les pays émergents du Sud


– permettre la création de richesses dans un cadre institutionnel adapté. Les environnements bancaire, juridique et administratif devront être favorables aux créateurs d’entreprise qui sont trop souvent persécutés. L’objectif est de créer de la valeur ajoutée et d’étoffer le secteur formel qui financera par l’impôt le développement du pays. Actuellement la richesse est entre les mains des multinationales étrangères, essentiellement françaises, et le reste de la richesse productive du pays reste en marge dans le secteur informel. Il convient de revoir ce cadre, soutenir l’émergence d’une classe moyenne pour créer de la valeur ajoutée au capital naturel et optimiser chaque franc CFA investi. La Côte d’Ivoire permet d’investir dans des domaines très variés : pétrole, pétrochimie, banque, tourisme, infrastructures, transport, énergie, mines, agriculture, NTIC, biotechnologie, etc.


Valoriser le capital intangible : sachant que le capital humain est un véritable levier de la richesse, le développer est une nécessité absolue. Il conviendra d’investir dans la qualité de la santé, de la nutrition, de l’éducation, de l’apprentissage, de la formation continue, mais également édicter des lois imposant aux entreprises étrangères le transfert de compétences. La création de richesse n’est en effet qu’une composante du processus de développement, car richesse et développement ne sont pas synonymes. Un programme de développement doit certes reposer sur la recherche du profit, mais également sur la préservation et la rentabilisation des actifs sociaux, humains, culturels et naturels.



Le dynamisme ivoirien


Le cadre de la rupture nécessite également un environnement politique stable et une forte volonté d’agir de la part des dirigeants. Alors que les élections sont désormais programmées et devraient aboutir à un renforcement de la stabilité naissante, la Côte d’Ivoire a les cartes en main, car malgré septe longues années de crise coûteuse et douloureuse, elle fait preuve d’un solide dynamisme et demeure la plus importante économie de l’UEMOA. Elle représente plus d’un tiers du PIB de cette union, alors même que ces dernières années des pans entiers de son économie et de ses richesses ont fui dans les pays voisins par les frontières du Nord. Le ministre de l’Economie et des Finances, Charles Diby Koffi, prévoit pour 2009 une croissance autour de 3% malgré le contexte de crise.


De plus, la Côte d’Ivoire par son histoire, sa situation géographique, son ouverture sur la mer, son port dynamique, sa zone franche en cours de réalisation, a un poids incontestable. En tant que leader, elle a un rôle majeur à jouer car elle pourrait non seulement insuffler une nouvelle dynamique au sein de ses propres frontières mais également donner le cap en entraînant la sous-région dans cette logique de progrès. Le fait d’avoir intégré le groupe des pays pauvres très endettés (PPTE) ne doit nullement freiner la démarche ivoirienne. L’allègement de la dette est certes un pas en avant mais pour avancer, il faut faire plusieurs pas et les prochains devraient s’inscrire dans la rupture.



c)       Le rôle des intellectuels et de la société civile


La volonté de rompre avec l’« industrie de l’aide » internationale est une démarche qui dépend de la volonté et du courage des dirigeants africains. Connaissant les avantages personnels qu’ils retirent du système, s’en éloigner reviendrait pour eux à scier la branche sur laquelle ils sont assis. Cependant, les actions combinées des intellectuels africains et des autres membres de la société civile pourraient forcer de nouvelles voies.


Les intellectuels, phare de la nation, auraient tout intérêt à s’exprimer sur le sujet. Tant d’idées et d’initiatives sont englouties sous l’image catastrophiste selon laquelle il n’y aurait d’autre voie que celle de la servilité aux bailleurs de fonds et qu’il serait inutile et fou de chercher ailleurs. Le peuple peut parfois penser que l’oppression est meilleure que le vide et que l’Afrique est damnée, astreinte à la servilité. Il doit avoir conscience que ce qu’il subit n’est pas inéluctable. Les intellectuels pourraient avoir cette force de persuasion en communiquant, dans des termes accessibles à tous, autour des nouvelles voies possibles, des moyens de les  mettre en œuvre et des avantages qui pourraient en découler.


La matière grise est le levier le plus puissant de l’économie. C’est aussi par elle que passera la libération. Les intellectuels ont donc un rôle essentiel à jouer dans le débat en tant qu’éclaireurs. L’envie d’action doit dépasser le milieu intellectuel, le cadre moelleux des ministères et des salles de conférence, pour prendre racine dans le cœur de chaque citoyen. Une synergie de pensée devrait être créée entre les intellectuels et la population, car les grandes causes avancent mieux quand elles ont le soutien des masses. Un activisme populaire peut stimuler les solutions locales et mettre la pression sur les gouvernements pour qu’ils obtiennent de meilleurs résultats. Steve Biko ne disait-il pas « faites frémir la penser et vous faites frémir tout un système ». Si les intellectuels n’avaient pas tant de force, pourquoi auraient-ils été persécutés à travers les temps ?


Face à la pauvreté, il ne suffit pas d’avoir du cœur et de la compassion, il faut avoir des idées et la volonté de les mettre en œuvre. Au même titre que l’esclavage en son temps, nous nous devons de lutter pour l’abolition de la pauvreté dans le monde en s’attaquant à ses causes structurelles au premier rang desquelles figure le piège des institutions internationales. Chacun peut agir à son niveau : intellectuels, étudiants, universitaires, ONG, syndicats, associations, etc. Chacun peut s’exprimer à travers les écrits, la radio, la télévision, la poésie, l’internet, la chanson, le théâtre, le cinéma, la peinture, le graffiti. L’exemple du cinéaste mauritanien Abderrhamane Sissako est éloquent car quiconque a vu son film Bamako a compris avec  la plus grande clarté les méfaits de l’aide internationale et est convaincu de la nécessité de rompre avec ce modèle.



Conclusion

L’aide est un leurre. Depuis la nuit des temps, les différentes puissances mondiales ont lutté pour dominer leurs partenaires mais jamais pour les aider. L’Afrique ne peut donc compter que sur elle-même pour avancer, dégagée du carcan qui l’oppresse. La démarche devra se faire par étapes, mais dès à présent il convient de s’inscrire dans une logique de rupture et mettre en place progressivement des plans d’action visant à un minimum d’indépendance financière. C’est par des étapes successives mais systématiques que l’objectif sera atteint, sonnant la renaissance d’une nation libre. « Le plus grand arbre est né d’une graine menue ; une tour de neuf étages est partie d’une poignée de terre », écrivait le philosophe chinois Lao-Tseu. Il a fallu deux cents ans d’indépendance à l’Amérique latine pour voir enfin l’avènement de leaders du changement qui sont engagés dans une démarche de rupture avec la dictature internationale. Cette région du monde était en proie aux mêmes difficultés et pressions que le continent africain. C’est par le renforcement de la solidarité régionale et une coopération économique, financière et politique qu’ils ont pu résister à partir d’une position unitaire et résolue.


A ceux qui critiquent l’Afrique nous rappelons que le continent n’a que 50 ans d’« indépendance » bancales. Ne désespérons donc pas de voir surgir des leaders du changement et de la renaissance africaine. A défaut d’avènement spontané, les actions combinées des intellectuels et des autres membres de la société civile pourraient susciter leur émergence et ouvrir la voie à des destins encore sommeillants. L’un des traits caractéristiques de l’intellectuel est son refus du silence face à l’inacceptable. Ne pas le faire, c’est démissionner. Il est urgent d’oser sortir de l’étau, oser plus de dignité et plus de liberté. Jean-Paul Sartre écrivait qu’« être libre, ce n’est pas pouvoir faire ce que l’on veut, mais c’est vouloir ce que l’on peut ». La voie proposée n’est pas dépourvue de difficultés. Il faudra travailler sans relâche mais l’analyse nous montre que cette voie est possible. Alors, osons ce que nous pouvons ! Et, à l’adresse des Ivoiriens en particulier, il y a nécessité de remplacer l’expression nationale « ça va aller » par « il faut oser !»


Par Gisèle Dutheuil

25 juillet 2009


[1] Hernando de Soto, Le mystère du capital : pourquoi le capitalisme triomphe en Occident et échoue partout ailleurs ?, éd. Flammarion, 2007.

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