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Camp Boiro : parler ou tout dire…

On a beaucoup glosé sur le régime d’Ahmed Sékou Touré, mais a-t-on tout dit ? A-t-on beaucoup parlé justement afin de ne pas tout dire, d’occulter des pans essentiels indispensables à la juste compréhension de l’histoire politique de la Guinée entre 1958 et 1984 ? Les nouvelles générations de Guinéens demandent instamment à tout savoir pour bien comprendre le passé de leur chère patrie, en vue de mieux appréhender leur avenir. Le prétexte des commentaires qui suivent consiste dans la publication de l’ouvrage incontournable que Sidiki Kobélé Kéïta à consacré à cette problématique : Autopsie d’un pamphlet.

Le Camp Boiro a été ainsi nommé en hommage à l’inspecteur de Police Mamadou Boiro, largué le 26 février 1969 d’un avion de type An-14, à 2000 m d’altitude lors d’une liaison entre Labé et Conakry. Avec le lieutenant Abdourahamane Kaba, le lieutenant Rachid Bah et l’aspirant Souleymane Bangoura, l’inspecteur Mamadou Boiro convoyait des parachutistes de l’armée guinéenne accusés d’avoir participé au « complot Kaman-Fodéba »,  une tentative de coup d’Etat contre Ahmed Sékou Touré. Le camp Boiro, de sinistre mémoire pour tant de ceux qui y ont été détenus, porte donc le nom d’un défenseur exemplaire de la souveraineté de la Guinée, qui a été assassiné par des Guinéens soupçonnés de traîtrise à leur propre patrie.

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Durant des décennies, la propagande occidentale, particulièrement française (AFP, RFI, le réseau diplomatique françafricain, etc.), contre le régime de Sékou Touré mettait lourdement l’accent sur la sévérité des conditions de détention au Camp Boiro, tout en niant ou occultant les véritables causes de ces détentions. Or, dans la même période, cette propagande occidentale faisait peu de cas de la situation calamiteuse des militants de l’ANC arrêtés par le régime négrophobe de Pretoria adoubé par les principaux pays occidentaux. Toujours est-il que ce contexte politique international fut très favorable à la floraison de ce qui a été nommé une  « littérature de douleur »[1], recevant un grand renfort de publicité dans les métropoles occidentales, et dont les auteurs s’épanchent sur la cruauté du régime Sékou Touré, sans insister suffisamment sur les raisons précises pour lesquelles eux-mêmes, leurs proches ou parents, y auraient été confrontés. Bien de  littérateurs de la douleur ont exploité ce filon, afin de s’aménager de confortables situations socio-professionnelles auprès de régimes ennemis de celui d’Ahmed Sékou Touré ; notamment en Côte d’Ivoire, Sénégal, et bien sûr en France.


kobele-des-complots1Toutefois, le contexte politique international a désormais considérablement changé, plus de cinquante ans (1958-2009) après le fameux « NON » des Guinéens à l’arnaque politique de la Communauté Franco-Africaine fomentée par De Gaulle et ses affidés nègres, en vue de confisquer le fruit politique des luttes héroïques des peuples africains pour leur souveraineté pleine et entière. Aujourd’hui, la nombreuse jeunesse guinéenne aspire à la vérité-justice, à un idéal de réconciliation nationale. Toutes choses pour lesquelles inlassablement travaille Sidiki Kobélé Kéïta, en proposant une information historiographique fouillée, rigoureuse de la scène politique guinéenne des années Sékou Touré ; en suscitant ou participant à de nombreux débats publics d’anamnèse, voire de catharsis collective.


Selon Sidiki Kobélé Kéïta, Alsény René Gomez est emblématique de ces Guinéens se présentant ostensiblement comme des victimes immaculées d’un dictateur sanguinaire, psychopathe, dont la paranoïa aurait fait inventer de toutes pièces des complots imaginaires, en vue de terroriser ses compatriotes innocents. Dans son « pamphlet de trop », Alsény René Gomez s’est appliqué à minimiser, voire à nier, la réalité pourtant indéniable des tentatives récurrentes de coup d’Etat en Guinée[2] ; évitant par là-même d’expliquer clairement à ses compatriotes la part effective qu’il y aurait prise, ou en tout cas les raisons précises pour lesquelles il s’est retrouvé au Camp Boiro (p.36) :


[…] ils veulent réduire notre glorieuse histoire à ce qu’ils appellent, avec le préfacier, la « littérature de douleur » ; or l’histoire contemporaine du Peuple de Guinée ne peut se limiter à cette seule littérature dont les condamnés parfois de faits établis veulent désormais mettre en avant pour que le monde s’apitoie sur leur sort et rende Ahmed Sékou Touré plus hideux. Ils pensent que le dénigrement est d’autant plus efficace qu’il est outré et ne s’en privent pas, impunément. Presque tous les auteurs font tout, inventent même l’invraisemblable, pour masquer les forfaits des agents du SDECE et de la 5è colonne, formée de Guinéens et d’étrangers installés en Guinée, parfois depuis belle lurette. Ces auteurs refusent surtout d’admettre que cette littérature prétendument de doiuleur résulte des opérations de déstabilisation et de complots criminels contre l’ancien régime ; or ces faits doivent être connus et assimilés par la génération actuelle et future. Le livre d’Alsény René Gomez résume donc cette volonté d’obscursir l’histoire de la Guinée, d’entretenir la haine entre les ethnies sur la base du mensonge […]


D’après l’auteur, jusqu’en 1970, les conditions de détention au Camp Boiro n’auraient pas été pires qu’ailleurs. Même que de nombreux prévenus en ressortaient, et reprenaient une vie professionnelle honorable après y avoir purgé leur peine. Mais le 22 novembre 1970, une agression particulièrement sanglante est perpétrée par les Occidentaux, via des troupes portugaises, contre le régime de Sékou Touré (pp.329-338) :


N’ayant que 450 hommes dont 200 fusillers marins portugais (africains, pour la grande majorité) et 250 du FLNG sous la supervision des officiers portugais blancs peints en noir, alpoim Calvão dut constituer des équipes mixtes.[…] Arrivés à Conakry, Alpoim Calvão, dit le « Pacha », nomù de code pour l’agression, après les avoir dépouillés de tout, donna ordre à tous les militaires de « sauter sur terre sur ordre du Général ». […] L’assaut a en fait débuté dans la nuit du 21 novembre par la destruction de sept vedettes guinéennes ; l’opération prit fin à 21 heures 10 et es Portugais n’enregistrèrent que deux blessés légers. Les quatorze hommes composant ce groupe rejoignirent l’un des bateaux portugais, l’Orion. Le 22 novembre à partir d’1 heure du matin, la ville de Conakry se réveilla sous un déluge de feu ; elle était attaquée sur les principaux côté : Petit Bateau, camp Boiro, Centrale électrique, cap Almamy Samory Touré, Port de Belle-Vue, Port de Gbéssia, etc. […] analysant les résultats des opérations Mar Verde, nom de code de l’agression du 22 novembre 1970, Alpoim Calvão conclut qu’elle « a coûté…plus de cinq cents victimes » à la République de Guinée, qu’il considérait comme « ennemie » […]


C’est en réaction à cet énième acte criminel ayant causé la mort de nombreux  Guinéens, avec la complicité active de quelques traîtres à la patrie, qu’Alsény René Gomez, entre autres, a été arrêté et que les conditions de détention au Camp Boiro sont devenues particulièrement sévères pour tous ceux qui avaient été reconnus coupables de traitrise par l’appareil judiciaire guinéen. Notons qu’à Guantanamo les Etats-Unis de Georges Bush ont fait encore pire que la Guinée de Sékou Touré à l’encontre des personnes soupçonnées d’avoir été impliquées, de près ou de loin, dans l’attentat du 11 septembre 2001.

Quant à la France, ses tortionnaires sont de sinistre réputation dans la Guerre d’Algérie, pires encore dans les massacres à Madagascar (1947), a fortiori lors du « génocide bamiléké » où son armée a arrosé de  napalm des centaines de milliers de villageois camerounais :

« En deux ans, de 1962 à 1964, l’armée régulière a complètement ravagé le pays BAMILEKE. Ils ont massacré de 300 000 à 400 000 personnes. Un vrai génocide. Ils ont pratiquement anéanti la race. Sagaies contre armes automatiques, les BAMILEKE n’avaient aucune chance […] Les villages avaient été rasés, un peu comme Atilla. »


Il n’en reste pas moins que le bafouage avéré des droits des détenus est condamnable partout, fût-ce au Camp Boiro, quelles que soient les causes de leur détention ; mais encore faut-il reconnaître lesdites causes, les instruire honnêtement en vue d’établir toute la vérité des faits (pp.414-416) :

Nous l’avons déjà écrit et nous le répétons en citant Nietzsche : les Guinéens doivent se convaincre que « toutes vérités que l’on tait deviennent vénéneuses ». Ils doivent donc accepter d’être leur propre miroir et s’y regarder sans complaisance, seule façon d’assumer leur histoire et d’aider la jeunesse, en particulier, à développer sa propre capacité d’analyse. […]Que ceux qui sont convaincus qu’ils détiennent la Vérité ou que les Guinéens ont des contentieux à exorcicer en vue d’une « réconciliation », cessent de s’étriper et acceptent de ne se battre désormais que pour la tenue de ce débat. Ils auront rendu un service inestimable au Peuple de Guinée, qui a trop souffert de la forfaiture et de l’inconscience de ses mauvais fils.

Par Ogotemmêli



[1] Djibril Tamsir Niane, in Alsény René Gomez, Camp Boiro, parler ou périr, éd. L’Harmattan, 2007, Préface : « On appelle littérature de douleur, ces productions qui relatent les crimes et atrocités des prisons guinéennes sous le règne de Sékou Touré. Des titres désormais célèbres ont assuré au camp Boiro une triste renommée. Il faut citer entre autres Prisons d’Afrique de Jean Paul Alata, La mort de Diallo Telli de Amadou Diallo, Camp Boiro de Ousmane Bah, Le dernier survivant du complot Kaman Fodéba de Touré Kindo, etc. »

[2] Sidiki Kobélé Kéïta, Des complots contre la Guinée de Sékou Touré, 1958-1984, éd. SEDIS, 2002.

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