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Joseph Anténor Firmin, illustre défenseur de la cause des Nègres

De l'égalité des races humainesJoseph Arthur, comte de Gobineau,  a publié en 1855 un ouvrage désormais occulté par l’historiographie africaniste, mais qui figure au nombre des œuvres de la célèbre et prestigieuse  collection La Pléiade (1983) : Essai sur l’inégalité des races humaines. Gobineau serait donc historiographiquement enterré, sauf que sa théorie imprègne profondément les mentalités européennes et surdétermine aujourd’hui nombre d’attitudes négrophobes, y compris dans les relations institutionnelles des Européens avec les Africains.

Contre la thèse de « l’inégalité des races », Joseph Anténor Firmin propose une théorie sur « l’égalité des races humaines » en 1885 ; trois ans seulement après le décès de Joseph Arthur de Gobineau. Son travail brillantissime et très solidement documenté est encore plus sévèrement zappé dans les études africanistes françaises, où le nom même d’Anténor Firmin ne dirait rien (ou si peu) à aucun étudiant.

Né le 18 octobre 1850 au Cap, où il fit son lycée, Joseph Anténor Firmin fut enseignant dès l’âge de dix-sept ans :


Joseph Anténor Firmin (1850 - 1911)

Joseph Anténor Firmin (1850 - 1911)

Il écrit et parle un français d’une naturelle élégance, et avec le temps il s’est rendu capable de discourir sans gêne en anglais comme en espagnol, en allemand aussi bien qu’en italien. Quant aux langues mortes, il les a maîtrisées très jeune au point d’enseigner le grec et le latin avant même ses vingt ans.

Joseph Anténor Firmin exerça comme inspecteur des écoles au Cap-Haïti, eut une brillante carrière politique ; avant de débarquer à Paris au milieu des années 1880, où bientôt il fut admis à la Société d’anthropologie. C’est donc en France, dans un pays négrophobe et tellement fier de l’être, qu’il rédige en quelques mois son ouvrage sur « l’égalité des races humaines ».

Ainsi, à la fin du siècle de l’apogée du racisme culturel européen, en sa forme la plus arrogante dite de « racisme scientifique », c’est un Ayitien formé à Ayiti qui apporte la plus cinglante réplique aux thuriféraires occidentaux de l’inégalité des races : Morton, Renan, Broca, Carus, De Quatrefages, Bûcher, De Gobineau, etc. On se rappelle qu’au début de ce même siècle, c’est Toussaint Louverture et ses compagnons qui défont à Saint-Domingue les plus puissantes armées esclavagistes d’Europe (Espagne, Angleterre, France), et fondent en 1804 la République d’Ayiti. D’ailleurs, Joseph Anténor Firmin avait une très haute conscience du rôle symbolique et stratégique d’Ayiti comme sentinelle de la défense (militaire, politique, littéraire, scientifique, etc.) des nations nègres. En sorte que la misère actuelle de ce pays signe fondamentalement la misère généralisée de tous les Nègres du monde, depuis l’Afrique jusqu’à la Diaspora : la renaissance africaine passe aussi, voire d’abord, par une renaissance d’Ayiti à laquelle chaque Nègre devrait contribuer derechef, « by any mean necessary »…

Les commentateurs de Gobineau insistent désormais sur sa misère personnelle, les déboires de sa famille, notamment un père cocufié par le précepteur de son propre fils, pour expliquer la sottise de sa théorie ; comme si celle-ci était une incongruité dans l’esprit du dix-neuvième siècle européen[1]. On voudrait donc nous faire croire que Gobineau était une anomalie, que son oeuvre serait plutôt romantique, « spleenétique » et aurait bien peu à voir finalement avec la négrophobie séculaire européenne ; Hubert Juin allant jusqu’à en faire  « un grand poète romantique ». Impayable…

Ainsi, les expressions les plus enragées du racisme occidental sont souvent considérées par l’érudition distractive comme étant des « dérapages » : The Bell Curve (Charles Murray & Richard Herrntein : 1994) ; James Dewey Watson, Le Discours de Dakar (Nicolas Sarkozy, juillet 2007), ou encore les cris de singes dans les stades d’Europe, et autres récurrentes manifestations négrophobes. Sont-ce les auteurs de ces faits pris individuellement qui sont malades, névrosés, ou bien expriment-ils de la sorte un racisme atavique, bien vivace, des sociétés occidentales où ces actes sont possibles, récurrents, rarement punis avec sévérité par les autorités judiciaires ?

On comprend alors qu’il revient surtout aux victimes (effectives et potentielles) de ces actes de s’organiser au plan mondial, en vue de mobiliser tous les moyens nécessaires pour les combattre ; à l’instar d’Anténor Firmin qui a fourbi ses propres armes intellectuelles contre un discours hégémonique à son époque sur « l’inégalité des races humaines », en particulier sur l’infériorité des Nègres et la supériorité des Blancs. C’est d’abord le déploiement de sa grande liberté de pensée et de son entière autonomie épistémique, qui permirent à Anténor Firmin d’aller à contre-courant d’une pensée négrophobe solidement établie parmi ses contemporains européens.

La vérité est éternelle. Elle doit se maintenir entière à travers les temps et les lieux, sans quoi la logique lui refuse toute sanction. Est tota in toto, tota in qualibet parte, disaient les scolastiques.

En déclarant donc que la race noire est inférieure à toutes les autres, il a fallu prouver que le fait est actuel et perpétuel : c’est-à-dire que non seulement il en est ainsi de nos jours, mais que dans tout le cours de l’histoire, on n’a jamais connu un état de choses différent et qui serait en contradiction flagrante avec la forme dogmatique dont se servent les anthropologues ou les érudits dans leur prétentieuse assertion.

L’esprit de système et d’orgueil du sang caucasien ne furent jamais mis à plus terrible épreuve. Néanmoins ils ne s’intimidèrent nullement devant l’énormité de la tâche. Contredits mollement par des adversaires qui n’avaient pour les combattre qu’un intérêt platonique, le seul amour de la vérité, ils ont pu se maintenir débout, malgré l’inconsistance réelle du terrain où ils se sont placés.

Avant de procéder à aucune démonstration tendant à prouver que l’infériorité actuelle de la race noire, comparativement aux races blanche et mongolique, n’est pas un fait naturel, général, susceptible d’être érigé en doctrine ou loi scientifique, nous allons chercher si parmi les peuples qui ont le plus contribué à l’évolution de l’espèce humaine, aux époques les plus reculées de l’histoire, il ne se rencontre pas des nations d’origine nigritique dans une région quelconque de la terre. L’existence d’un tel fait, quelle que soit l’époque de sa manifestation, ne suffirait-elle pas pour renverser entièrement la théorie de l’inégalité des races ?

Bien entendu, Anténor Firmin procède à une critique interne des thèses en faveur de l’inégalité des races humaines. Par sa démarche dite « d’anthropolgie positive » empruntée à l’école sociologique d’Auguste Comte, Firmin s’en tient essentiellement aux faits documentés avec rigueur qui seraient susceptibles d’accréditer cette inégalité. De son investigation, il conclut que rien dans les « preuves » prétendument scientifiques colportées par une escouade de savants européens ne permet d’établir une quelconque hiérarchie immanente entre les races humaines ; que les différences de situations sociales constatées (en l’occurrence au temps du Yovodah) relèvent surtout de contingences environnementales et historiques.

Mais un autre versant de sa critique est plutôt extrinsèque, et manifeste encore mieux son autonomie épistémique. En effet, refusant d’être enfermé dans les élucubrations sur l’inégalité des races, Anténor Firmin va chercher en dehors de son appareil argumentaire des faits pouvant attester « positivement » de l’inanité de cette théorie :

N’est-ce pas une réfutation des plus accablantes, si l’on pouvait montrer une période historique où les fiers Européens étaient absolument sauvages, tandis que les hommes de sang noir tenaient le flambeau de la civilisation naissante ?

En effet, pour s’épuiser à rechercher des causes biologiques ou phénotypiques à l’inégalité des races humaines, encore faut-il établir que cette inégalité supposée a toujours été telle quelle dans toute l’histoire documentée des civilisations. En d’autres termes, les Blancs ont-ils été de tout temps les maîtres du monde, pour que d’aucuns parmi eux entreprennent au XIXè siècle d’inventer des causes immanentes à cette éternelle suprématie blanche ?  Une vaste et solide érudition était indispensable pour répondre à cette question, car celle-ci suppose de connaître l’histoire des civilisations depuis les plus anciens temps, et particulièrement celles des civilisations négro-africaines[2]. C’est ainsi qu’Anténor Firmin mobilise K.mt, en soulignant que tous les indices disponibles témoignent de ce que l’Egypte ancienne était une civilisation négro-africaine :

Il faut rendre cet hommage à Champollion. Non seulement il a eu la gloire immortelle d’avoir révélé l’Egypte ancienne au monde européen, en découvrant le sens caché des hiéroglyphes, mais il a déclaré, en outre, dès le premier coup d’œil, avec ce sens profond dont il était doué, que les peuples égyptien et éthiopien ne formaient qu’une seule et même race, ayant la communauté du langage comme celle de la couleur et de la physionomie. […] les anciens Egyptiens se rangeaient à côté des Nègres (Nahsi ou Na’hasiou) sous la protection d’Hor qui est, pour ainsi dire, la divinité ethnique de l’Afrique opposée au reste du monde. […] Cependant ils mettaient ensemble les Asiatiques (Aamoû) et les peuples du Nord à peau blanche (Tamahoû ou Tahennoû). Cette division n’est-elle pas significative ? N’indique-t-elle pas qu’ils se reconnaissaient de même origine que les autres noirs de l’Afrique et qu’à tort ou à raison, ils supposaient une origine commune aux blancs d’Asie et aux blancs d’Europe ?

En lisant Firmin, on comprend mieux l’accusation récurrente de racisme à rebours proférée ad nauseam contre Cheikh Anta Diop. En effet,  il est quasiment impossible pour des gens éduqués dans l’idée de la suprématie blanche (comme tous les intellectuels occidentaux de la génération de Diop, a fortiori de celle de Firmin) d’admettre que Km.t est une civilisation négro-africaine ; sans qu’aussitôt leur paradigme suprémaciste ne s’écroule, et avec lui tout un monde d’idées frelatées, mesquines, sournoises, hypocrites.  Négrophobes.

C’est alors que toutes les preuves historiographiques amoncelées contre leur racisme ne suffisent pas à les en départir ; c’est pourquoi d’ailleurs lesdites preuves présentées par Firmin, Diop, Mona George, Obenga, ne sont jamais questionnées de manière circonstanciée par leurs détracteurs. En effet, ni Fauvelle-Aymard, ni Coquery-Vidrovitch, ni Suret-Canale, etc. n’ont été capables de récuser le moindre élément des démonstrations diopiennes, qu’ils tiennent a priori pour infondées ; même en confessant expressément leur incompétence scientifique pour en juger.

Joseph Anténor Firmin a très bien posé le problème de la controverse sur Kamê : celle-ci n’est pas simplement d’ordre scientifique, car il est scientifiquement impossible de réfuter les innombrables preuves en faveur de l’origine nubienne des « Rétous », mais elle est fondamentalement d’ordre idéologique. En effet, les vestiges de Km.t sont les gardiens du génie inaliénable, incoercible des nations nègres. Ce qui porte gravement atteinte à l’édifice idéologique arrogant et négophobe sur lequel repose la “Modernité” : un vrai scandale archéologique donc, ces pyramides dont les plus anciennes se trouvent au coeur de l’Afrique du Nil ; bien loin de quelque « carrefour » « afroasiatique ».

Ainsi, à bien considérer l’époque où Anténor Firmin écrit son magnifique livre, en vue de défendre les nations nègres contre la calomnie raciste, il n’y a vraiment qu’un digne fils  du pays de Toussaint Louverture pour le faire. En comparaison de son propos, on comprend toute la vanité des péroraisons créolisantes qui instillent comme une dichotomie entre Africains et Caribéens, au prétexte fallacieux qu’on ne saurait fonder une identité (culturelle ?) sur la couleur de la peau.  Sauf qu’il n’existe pas d’identité immanente, qui soit en dehors de l’histoire : « Je dit JE, parce qu’on m’a dit TU » écrit Albert Jacquard. Or l’histoire des nations nègres de ces 500 dernières années s’est écrite fondamentalement à travers des déterminants chromatiques, phénotypiques.

D’ailleurs, encore aujourd’hui en Europe/Occident, il arrive fréquemment, trop fréquemment, qu’on assassine un homme du seul fait qu’il a la peau noire ; et qu’un tel assassinat n’inflige pas les plus rigoureuses conséquences judiciaires à son criminel auteur.  En somme, le propos du chef d’œuvre de Joseph Anténor Firmin est d’autant plus d’actualité que la couleur de la peau détermine encore considérablement le destin individuel et collectif de Nègre sur une planète en voie d’occidentalisation forcenée.


Par KLAH Popo



[1] Hubert Juin écrit dans sa présentation de L’Essai sur l’inégalité des races humaines des éditions Belfond, 1967 :

Sa mère ? Une gourgandine qui s’enfuit dans des amours diverses. Son père ? Un col haut monté, qui ne daigne baisser la tête. Sa femme ? Une amie d’abord, une ennemie ensuite. Ses filles ? Il s’en détourne. Sa vie ? Un Wagner des lettres, mais sans Bayreuth… Tout ceci, rapide, ne veut montrer que la vérité de Gobineau : il s’accommode des accommodements de la terre, s’arrange moins facilement avec Dieu (ce qui, d’ailleurs, ne le concerne pas), mais tourne la vie en rêve, dans cette baratte dont nous ne cessons point de nous étonner : son œuvre. Il a dix lecteurs : il en fait un monde. Il en a des milliers aujourd’hui : c’est un inconnu.

Pour le cocuage, c’est plus sérieux. Il s’agit, pour employer la langue moderne, d’un traumatisme. L’enfant a quinze ans, et s’aperçoit brutalement que sa mère couche avec son précepteur. Le père est un imbécile. La race devient bâtarde. Tout est dit : jusqu’à son dernier souffle, Gobineau va payer des chercheurs, des archivistes, des libraires, afin que l’histoire de sa famille lui soit livrée jusque dans les menus détails, quitte à reprendre le tout, à récrire avec minutie contre les faits, à faire de Gobineau, à faire d’Arthur, par le truchement de l’imaginaire et fabuleux Ottar Jarl, un fils d’Odin.


[2] Théophile Obenga, Hommage à Anténor Firmin (1850-1911), égyptologue haïtien, in ANKH N°17, année 2008,  éd. Khepera, pp.128-145. Dans cet article, l’auteur  met en exergue la solidité de l’érudition  égyptologique d’Anténor Firmin, au regard de l’état des connaissances de cette discipline à son époque.

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