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Catherine Coquery-Vidrovitch et l’africanisme condescendant

A propos de la controverse qui a fait rage entre Théophile Obenga[1] et les idéologues de Karthala conduits par Jean-Pierre Chrétien dans l’ouvrage collectif « Afrocentrismes [2]», Catherine Coquery-Vidrovitch a publié un texte condescendant et bavard, où elle défend subrepticement ces derniers malgré son incompétence scientifique sur les principaux points de la controverse.

Bien que la France ait connu bien avant les États-Unis, dès la fin des années 1950, sa grande querelle entre les égyptologues classiques sinon conservateurs et le militant visionnaire que fut Cheikh anta Diop, ne voilà-t-il pas que la querelle renaît, revenue en boomerang des États-Unis alors qu’on la croyait plus ou moins assoupie sinon réglée. Les chercheurs français ont été, dans leur ensemble, imperméables aux hypothèses de Martin Bernal, très peu lu bien que traduit. Les «rois de la brousse» que furent les premiers «africanistes» français continuent apparemment à avoir quelque mal à renoncer à leurs prérogatives de savoir. Certains Africains «afrocentristes» ne le leur pardonnent pas. Le dialogue apparaît ces temps-ci particulièrement bloqué.


Ainsi un ouvrage scientifique est paru, contre “Les Afrocentrismes” donnés comme un bloc idéologique. L’ouvrage ne comporte aucun auteur autre que Français, européens, ou américains blancs, issus d’un pays où la querelle a déjà pris il y a plus de dix ans une dimension idéologique. Un pamphlet virulent a répondu contre ces “Africanistes” supposés constituer un autre bloc idéologique ; il est très déplaisant par ses attaques personnelles injurieuses en particulier contre Jean-Pierre Chrétien qui n’était scientifiquement pas tendre avec lui dans le livre incriminé. Mais il n’exprime pas que des sottises, et d’autres écrits, à n’en pas douter, suivront, sans doute plus étayés (un pamphlet est un coup de colère et non un texte scientifique : inutile d’en discuter le contenu, plus intéressant est ce qu’il révèle).

Notons d’abord la duplicité de ce propos, qui se présente comme étant à équidistance des protagonistes, lors même que c’est au fond un coup de main apporté par un gourou de l’africanisme français à ses collègues nommément impliqués.

Ainsi, aux « égyptologues classiques sinon conservateurs » elle oppose un « militant visionnaire » en la personne de Cheikh Anta Diop, dont la qualité scientifique des travaux est toujours subrepticement obviée au profit de péroraisons sur les desseins idéologiques desdits travaux. Ainsi, des deux livres en question – « Afrocentrsimes » contre « Le sens de la lutte contre l’eurocentrisme » –  l’auteure prétend que le  premier serait un « ouvrage scientifique » tandis que le second ne serait qu’un « pamphlet virulent » : la science infuse étant toujours du côté de ses collègues africanistes, tandis que le militantisme virulent de l’autre côté. Catherine Coquery-Vidrovitch présente donc Jean-Pierre Chrétien comme étant « scientifiquement pas tendre » avec un Théophile Obenga qui, lui, « n’exprime pas que des sottises ».

Tous ces jugements ne sont aucunement étayés par une ignare dans les matières discutées, notamment la lexicologie des langues africaines, et plus précisément la linguistique historique africaine, dont Catherine Coquery-Vidrovitch ne sait rien. Or, quiconque a lu les deux livres peut vérifier que les arguties pseudo scientifiques de Jean-Pierre Chrétien et consorts ont été méthodiquement réduits par Théophile Obenga, qui a raillé l’incompétence criarde de ses détracteurs se prenant pour des gourous de la connaissance scientifique de l’Afrique[3] :


Dans sa haine des Africains, Jean-Pierre Chrétien croit avoir le dessus en relevant chez les chercheurs africains des « contradictions (qui) ne sont pas perçues comme gênantes (p.287)) : selon Anselin, « le bantu apparaît quand l’égyptien s’éteint » ; selon Obenga, le bantu apparaît comme un dérivé plus évolué des langues soudanaises ; mais selon Gilbert Ngom, qui s’appuie sur le cas du duala, Chrétien comprend qu’« en principe »  le bantu serait « un parler plus primitif que l’égyptien » (p.287).

Il n’y a aucune contradiction. Ce sont des hypothèses de travail, justifiées, argumentées, soumises à la critique. Les chercheurs africains ne sont donc pas aussi « unanimistes » qu’on le prétend. Je rapproche les langues bantu aux langues soudanaises, et Jean-Pierre Chrétien a cette remarque fort étonnante : « impertinence discrète à l’égard du wolof, cher à Cheikh Anta Diop, et des autres parlers ouest-africains » (p.284, note 57).

Vraiment que veut prouver Jean-Pierre Chrétien ? son ignorance totale du fait linguistique africain. Qu’il sache donc que les parlers de l’Ouest Africain (wolof, sérère, fula, diola, mancagne, kissi, mandé, voltaïque, kwa) sont génétiquement apparentés aux langues bantu, au jukun, birom, comme aux langues de l’Adamawa et au kordofanien (koalib, tegali, taladi, etc.) dans le cadre du Nigéro-Kordofanien : le professeur Joseph H. Greenberg l’a établi, de façon assez satisfaisante, acceptable dans l’ensemble. Dès lors, rapprocher le bantu des langues de l’Ouest Africain n’est pas un crime, sauf aux yeux d’un incompétent en linguistique comme Jean-Pierre Chrétien.


Catherine Coquery-Vidrovitch croit donc pouvoir dissimuler sa propre incompétence en linguistique historique africaine en se gardant de se prononcer sur le fond du débat théorique pour n’émettre que des jugements tendancieux et surtout méprisants, à l’emporte pièce : une duplicité idéologique africaniste dont elle a le secret, défendant sa chapelle contre Théophile Obenga, en croyant donner l’air de ne pas y toucher.

Elle et ses consorts sont incapables de dire si Théophile Obenga réussit ou non à établir la parenté génétique du copte, de l’égyptien ancien et des langues négro-africaines modernes[4] ; ne parlant aucune de ces langues, ne sachant encore moins lire le copte et l’égyptien ancien : imagine-t-on un spécialiste étranger de la culture française qui ne sache ni parler ni écrire le français ? Comment laisser perdurer une aussi vaste imposture séculaire de soi-disant spécialistes étrangers des civilisations africaines qui sont proprement analphabètes en langues africaines ? Cette incompétence devient de plus en plus voyante, au regard du caractère pluridisciplinaire des recherches scientifiques sur l’Afrique.


Plutôt que d’attaquer les afrocentristes, qui ne sont qu’un moment plutôt bref de l’historiographie africaine, ne serait-il pas plus judicieux de faire l’inventaire de notre propre “bibliothèque coloniale” qui, elle, demeure actuelle après trois siècles ? Comme le remarque avec humour ce grand intellectuel sénégalais qu’est Mamadou Diouf, aujourd’hui professeur à Ann Arbor : de quel droit, sinon pétris de néo-colonialisme, les intellectuels français entendent-ils empêcher les peuples africains de faire ce qu’ont fait et continuent de faire tous les peuples du monde : se raconter de belles histoires qui leur font plaisir? Quel peuple ne le fait pas ? Les historiens vont naturellement contribuer à dénoncer, mais surtout à décrypter ces mythes : à chacun son Bambara? À chacun son mythe… et tâchons de respecter ceux des autres, cela nous aidera à les comprendre. Ne serait-il pas plus utile de reprendre et de démontrer une fois pour toutes à nos étudiants comme au grand public le caractère pernicieux des thèses d’un Bernard Lugan, universitaire négationniste qui multiplie les ouvrages les plus tendancieux sur l’histoire de l’Afrique, qui vient de publier un atlas historique de l’Afrique qui mérite d’être dénoncé, et qui assure dans le Figaro Magazine (entre autres) des chroniques visant à présenter la colonisation française comme un bienfait de l’humanité ? Ces travaux sont de plus en plus cités néanmoins parce que la critique profonde de nos propres idéologies n’est toujours pas entreprise. Est-il bien raisonnable de faire comme s’il n’existait pas, alors qu’il traite “la légende noire de la colonisation” «d’escroquerie historique» ?


Bien entendu, les thuriféraires de Catherine Coquery-Vidrovitch retiendront volontiers ces passages de son articles, effectivement très nombreux, où elle n’est « scientifiquement pas tendre » avec l’africanisme ; terme d’ailleurs qu’elle récuse comme étant devenu désuet : en somme changer d’étiquette pour mieux fourguer la même idéologie suprématiste remise au goût du jour. Mais on peut y voir, quant au fond, une stratégie discursive qui consiste à feindre de lâcher du leste sur l’accessoire pour ne surtout pas abandonner l’essentiel. En fait, en rejetant avec mépris les critiques très fortes de Théophile Obenga contre « l’africanisme eurocentriste » qu’elle ne prend même pas la peine de rappeler au lecteur, Mme Coquery-Vidrovitch tente subrepticement d’exclure ces critiques du débat. Ce faisant, c’est comme si elle revendiquait jusque le monopole exclusif de la critique de l’africanisme par les africanistes eux-mêmes, ou à tout le moins par des interlocuteurs africains que ceux-ci se choisissent comme étant seuls dignes de leur porter la contradiction (ici V. Mudimbé & Mamadou Diouf). Le débat sur l’Afrique devant toujours se dérouler sur le terrain et selon les conditions déterminées par des gourous colonostalgiques pourtant dépassés par sa technicité particulièrement accrue au cours des dernières années.

Relevons encore un autre effet de  la duplicité du langage de l’auteure : « les intellectuels africains »  qui se racontent des « mythes » en guise d’histoire, tandis que les « historiens », dont on suppose qu’ils sont non-africains, et plutôt africanistes, se chargeront de « dénoncer », « décrypter ces mythes ». Or, quiconque a lu Diop et Obenga est particulièrement frappé par une quête expresse et intense de « vérité historiographique ». S’agissant de Diop, son propos se veut « armé de science jusqu’aux dents », avec justement une distance très critique à l’égard des « mythes ». En sorte que ce serait une véritable escroquerie vidrovitchienne que de réduire tout cet immense travail de réhabilitation de la vérité africaine en une quête mythique de passé grandiose : où l’on retrouve les mêmes divagations des Fauvelle-Aymar et consorts, qui prétendent sempiternellement que l’afrocentricité consiste pour les Africains, aujourd’hui dans le marasme,  à se refugier dans un passé glorieux fantasmagorique.


Par ailleurs, la sortie sur Bernard Lugan vient bien trop tardivement après tant de décennies de péroraisons africanistes. Au fond, Lugan est la mauvaise conscience de ces gourous africanistes, disant tout net ce qu’eux se contorsionnent à instiller avec plus ou moins de subtilités. Quant aux mécanismes français de prédation séculaire criminelle en Afrique, il serait temps enfin que des fonctionnaires universitaires payés pour occulter ces faits (dont certains relèvent de crime contre l’humanité) consentent à en lever un coin de voile. Que disent les africanistes telle que Catherine Coquery-Vidrovitch du fameux Compte d’Opérations ? Où sont leurs enquêtes et dénonciations africanistes  de cette arnaque monétaire ? Où sont les dénonciations et autres enquêtes de Jean-François BAYARD à propos de la « politique du ventre » menée par Bongo Ondimba, un ancien agent secret français infligé par la France aux Gabonais ? Où sont les travaux de Jean-Pierre Chrétien sur les coups d’Etat fomentés par la France en Afrique depuis « les indépendances » ; notamment au Tchad qui n’est pas si éloigné des Grands Lacs?


Bref, aucun des sujets historiographiques africains vraiment cruciaux n’est traité de façon satisfaisante par les africanistes actuels, sauf peut-être lorsqu’il s’agit de pointer timidement les responsabilités criminelles belges au Congo de Léopold II : même là encore, c’est un journaliste, Adam Hochschild, qui a fait un formidable travail d’enquête. Pour toutes autres questions soulevées ci-dessus, il faut regarder en dehors du cénacle africaniste, du côté des publications de François-Xavier Verschave, Yves Bénot, Sophie Bessis, Odile Tobner, Louise Marie Diop-Maes, Rosa Amélia Plumelle-Uribe, etc. En fait, l’africanisme ne sert à rien, sinon à comprendre ce que se raconte une oligarchie académique occidentale sur l’Afrique, et qui ne concerne qu’accessoirement les Africains ; une oligarchie caractérisée par son incompétence généralisée[5] :


Ce problème d’incompétence de ces africanistes vient du fait que le plus souvent, ils ne perçoivent la problématique posée par Cheikh Anta Diop que d’une manière unidimensionnelle, alors que celui-ci l’expose dans un cadre pluridimensionnel. Lilyan Kesteloot exprime d’ailleurs très bien cet état des choses à propos de la contestation de l’œuvre du savant africain d’un point de vue linguistique et ethnologique : « Mais il faut remarquer que les égyptologues français ne connaissent ni les langues ni les civilisations noires, et que les ethnologues et linguistes africanistes ne connaissent pas grand-chose à l’égyptologie et ne savent pas lire les hiéroglyphes. C’est donc un dialogue de sourds. […] »

[…] Alors que Cheikh Anta Diop, pour reprendre les premières phrases de sa présentation par Théophile Obenga et Mercer Cook, est anthropologue, historien, physicien, égyptologue, linguiste et philosophe. Théophile Obenga est, quant à lui, égyptologue, linguiste, historien et philosophe. C’est cette pluridisciplinarité qui fait la force de ces deux savants africains face à leurs collègues occidentaux. Et c’est aussi cela qui n’a pas l’air de plaire à ces africanistes qui pensaient pouvoir toujours continuer à tromper tranquillement les Noirs et contrôler les jeunes étudiants africains dont ils dirigent les travaux.

Par KLAH Popo



[1] Théophile Obenga, Le sens de la lutte contre l’africanisme eurocentriste, éd. L’Harmattan, 2001

[2] François-Xavier Fauvelle-Aymar, Jean-Pierre Chrétien et Claude-Hélène Perrot (dir.), Afrocentrismes – L’histoire des Africains entre l’Egypte et l’Amérique, éd. Karthala, 2000


[3] Théophile Obenga, Le sens de la lutte contre l’africanisme eurocentriste, éd. L’Harmattan, 2001, p.61

[4] Théophile Obenga, L’origine commune de l’égyptien ancien du copte et des langues négro-africaines modernes – Introduction à la linguistique historique africaine, Paris, L’Harmattan, 1993.

[5] Doué Gnonsoa, Cheikh Anta Diop, Théophile Obenga : combat pour la Re-naissance africaine, éd. L’Harmattan, 2003, pp.107-108

1 comment to Catherine Coquery-Vidrovitch et l’africanisme condescendant

  • ahmes

    Salut Ogo c’est pour te signaler que dans l’article tu as écrit “Mamdou Diouf” dans la citation et “Mamadou Dia” dans ton commentaire. Et je me suis demandé si ce n’est pas une erreur. Sinon l’article est agréable à lire comme à ton habitude.

    Merci et Courage.

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