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Similitudes socio-politiques entre Bambara et Egyptiens prédynastiques

segou-architectureDe nombreux indices confortent désormais le fait que la civilisation de Kamê est une civilisation négro-africaine. En conséquence, la compréhension de l’histoire de Kamê ne devrait pas faire l’économie d’une connaissance approfondie de l’histoire des autres civilisations négro-africaines ; et vice versa. Ainsi, l’étude des unes par l’africanisme et de l’autre par l’égyptologie consiste en ce qu’Alain Anselin a appelé un « apartheid épistémologique » ; lequel est (définitivement) réduit par l’afrocentricité. En se fondant sur le cas bambara, on voudrait montrer ici que les modèles traditionnels d’organisation politique en Afrique Noire sont assurément les plus heuristiques pour mieux comprendre les processus politiques prédynastiques ayant abouti à la formation de To Kamê.

Organisation socio-politique bambara

L’excellent ouvrage de Viviana Pâques nous renseigne sur les modalités historiques de la formation socio-politique des Bambara[1] :

[…] à l’origine le sol appartient aux génies et le chef successeur du fondateur du village est le seul qui puisse établir un contact avec le chef des génies et traiter avec lui. Il est l’administrateur terrestre du génie ; il assure son culte, l’exploitation du sol et l’organisation de la communauté territoriale. Le premier chef de la terre a été le premier occupant ; les chefs successifs sont ses héritiers suivant l’ordre successoral.

Pour fonder un nouveau village, un chef choisit l’emplacement du territoire non encore occupé, généralement à un nœud de routes, à une proximité d’un point d’eau, près d’un baobab, d’un doubalé ou de tout autre arbre sacré. Il offre des sacrifices aux génies et reçoit en échange de ceux-ci l’autorisation de s’installer. Son groupement prospère, des familles moins bien partagées veulent s’établir sur cette terre propice, elles en demandent l’autorisation au chef. […]

Toute communauté familiale devient patriarcale à la mort du chef de famille lorsque celui-ci demeure sans héritiers […] ; elle groupe alors autour d’elle les communautés familiales enfermant elles-mêmes des communautés consanguines et utérines. Lorsque la patriarchie est ancienne, un nombre considérable de personnes vivent sous son égide. Toutes se reconnaissent des dyamu et des interdits […] communs.

statuette-bambara

Ba-denya

La conception bambara de la parenté comporte trois axes : lignage paternel, lignage maternel et parenté à plaisanterie, notamment entre les Kalamew (lire : kalaméou, où le suffixe « w = ou » marque le pluriel comme en égyptien ancien). Les kalamew consistent au groupe formé par les enfants du père (fa) avec ceux des sœurs de leur père (ntene). La badenya est la famille par excellence ; elle consiste en un ensemble de cellules familiales élémentaires (père-mère-enfants), dont les époux se reconnaissent un défunt patriarche comme ascendance commune.


Fa

Au sens premier, fa signifie « père » ; mais c’est aussi le titre d’une fonction sociale. D’ailleurs « père » n’est-il pas au fond une fonction, tant il est vrai qu’il ne suffit pas d’être un géniteur pour se dire « père ». Fa est le titre du chef politique et spirituel de la badenya. Il est élu par un conseil des patriarches de la famille, qui le choisit au sein dudit conseil. Le fa fait donc partie des aînés, c’est-à-dire des hommes considérés comme étant les plus proches des vivants aussi bien que des morts/ancêtres.


Ton

L’ensemble des badenya habitant un territoire donné forme une multitude appelée Ton. Ces familles n’ont pas nécessairement de liens de parenté entre elles, mais ont surtout en commun de partager un même territoire appelé Dugu. En principe, le chef de ce dugu est le maître de la terre, généralement le fa de la première famille installée sur ce territoire, et qui a passé un pacte cultuel avec les puissances telluriques de ce lieu.


Kafu

Un regroupement de dugu forme le kafu. Le dugu le plus anciennement installé dans le territoire du Kafu acquiert une préséance politico-sacerdotale sur les autres dans ce regroupement.


Tné

C’est un totem, généralement un interdit alimentaire portant sur un animal (ou tout autre objet) auquel sont astreints ad vitam les membres d’une badenya. C’est aussi l’un des signes majeurs de reconnaissance des alliances reliant différentes familles entre elles. Par exemple :

– les Kéita et les Koulibali (de Ségou) ont pour tné l’hippopotame

– pour les Traoré, Dambélé et Watara, c’est la panthère

– quant aux Xisé, Silla, Doukouré, Niaré et Daramé, ils ont pour tné le python


Quand l’agglomération devient trop peuplée, un fa essaime et fonde un village. Par la suite les gens des contrées voisines peuvent solliciter le patronage du premier village, en participant à ses djo et en sacrifiant à ses génies protecteurs. L’assemblée de tous ces villages forme un kafo ou kafu (canton ?), qui comprend la première famille installée, ses plus anciens voisins, les habitants des autres villages, enfin les étrangers. Tous ces gens se reconnaissent des intérêts communs et les villages d’un même canton envoyaient des représentants à l’assemblée qui se tenait à la résidence du chef.

carte-du-pays-bamabara1Ainsi la grande famille grandit en patriarchie pour former un dugu (village) et s’épanouit en kafu. Parfois à la suite de fragmentations, certains communautaires adoptent un dyamu spécial et d’autres interdits ; le nouveau dyamu s’adjoint à l’ancien et peu à peu le supplée. Les principes caractéristiques de la communauté mère subsistent auxquels s’ajoutent quelques traits nouveaux, mais jamais la parenté entre les deux ne s’éteint. Inversement, les Indigènes même de race différente portant le même dyamu sont considérés comme parents entre eux, ce qui implique de leur part le respect des traditions ancestrales vis-à-vis du culte, la pratique de l’entraide mutuelle, le respect de l’autorité du Fa qui doit protéger tous ses parents si loin qu’en remonte le lignage, la fidélité à tous les pactes intervenus entre communautés. Enfin entre les individus de race différente, certains dyamu, bien que dissemblables, sont tenus pour équivalents et peuvent s’interchanger.


Organisation militaire

L’armée est dirigée par le Kêlê Tigui, ou chef de guerre. Lequel pouvait être le Fama lui-même, ou une personne par lui désignée et qui pouvait être un « esclave » militaire. Les expéditions militaires comportent toujours un corps de musiciens dirigés par un Djéli, en vue de galvaniser les troupes par les chants guerriers, mais aussi afin de rapporter les chroniques des gestes militaires, qui seront conservées de générations en générations. L’organisation militaire est physiquement calquée sur la structure du corps humain, avec :


– La poitrine, « Disi » : formée de sofa qui constituent la garde personnelle du Fama et sont essentiellement des cavaliers (et des gardiens de chevaux).

– Le Bras Droit, « Kinin Bolo » : formation de fantassins essentiellement composée de Furuba Dyon, ou captifs de guerre incorporés. Ils sont dirigés par des Ton Dyon, qui sont les leaders de la génération des jeunes adultes.

– Le Bras Gauche, « Numan Bolo » : idem avec l’autre Bolo.

– Le Dos, « Ton Koro Bolo » : l’arrière-garde composée exclusivement des Ton Dyon, sorte d’unités d’élites. Les vraies forces vives de la nation bambara, ie les jeunes adultes.


Processus politiques prédynastiques

Dans leur préface d’un ouvrage de Bernadette Menu[2], Charles Lespinay et Raymond Verdier soulignent sans ambages la négritude des nations prédynastiques et les similitudes anthropologiques frappantes entre elles et des populations négro-africaines contemporaines :

[…] la formation de l’Etat égyptien n’est pas un hasard mais l’effet de la volonté de quelques grands rois (la « dynastie 0 » et les deux « fondateurs »), issus de clans ou de lignages originaires du Sud, et purement africains.  Dès la seconde moitié du IVè millénaire avant JC, l’Egypte se constitue du Sud au Nord en une fédération de pouvoirs locaux dirigés par un chef unique, et dont les enseignes pourraient représenter les entités protectrices, gravées sur différents supports : poteries, étiquettes et objets divers en ivoire, palettes en grauwacke, têtes de massues hypertrophiées, etc. Ces enseignes semblent remplacer les emblèmes des clans dominants (les « totems » des ethnologues) d’où sont issus les premiers rois et dont certains noms (Eléphant, Scorpion, Crocodile) rappellent ceux de clans actuellement répandus en Afrique. A leur tour, les enseignes seront évincées, lors de l’apparition du pouvoir pharaonique en son expression unique et absolue, par des symboles incarnant l’éternité et la toute-puissance du souverain. La coutume de nommer le roi sacré du nom de l’entité protectrice de son clan, de son territoire et/ou de sa titulature, nom repris parfois ensuite par le clan lui-même, se retrouve par exemple au XVIè siècle dans le Sénégal casamançais où un roi « Crocodile » (Bamba en manding, Jareg en baynunk) est en sécession à l’égard de son suzerain, le roi de Casamance. On connaît aussi, entre autres, le cas des empereurs Kéita du Mali au XIIIè siècle dont le lion est l’emblème.


statuette2-bambara1Le totémisme est l’un des arguments mobilisés par Cheikh Anta Diop pour démontrer que les Kmtyw étaient des Nègres « de l’espèce de tous les naturels d’Afrique », partageant des us et coutumes attestées encore de nos jours principalement chez les peuples négro-africains. Les Fari de la Dynastie Zéro que l’on suspecte d’être plutôt des chefs de nomes, à l’instar des Fa de Dugu, avaient des emblèmes animaliers : Faucon, Scorpion, Crocodile, Lion, etc. Cela fait penser au Tné des Kéita, Traoré, Xisé et tant d’autres familles ayant connu un grand destin politique en Afrique ancienne. En particulier, les Rois Forgerons des Shmsw hr,  avec leur totem de Faucon, font penser aux Soumahoro du Manden, eux aussi Rois Forgerons dont le totem est également un falconidé, « Alladelhi Djokala ».



Le cadre général négro-africain

L’extrait ci-avant de Viviana Pâques est un cas particulier – en l’occurrence Bambara – du cas général exposé comme suit par Maurice Delafosse sur les modalités socio-politiques d’expansion des nations nègres[3] :

La famille [africaine] est basée, non sur le mariage, mais sur la descendance. Une famille ainsi comprise est destinée à s’accroître de génération en génération, sans aucune limite numérique en principe. Dans la pratique, une limite est forcément apportée à son extension par la superficie des terres cultivables qui constituent le lot acquis par l’ancêtre et qui fournissent aux descendants de celui-ci leurs moyens d’existence. Lorsque l’étendue de ces terres devient insuffisante, une fraction de la famille se détache du noyau primitif et s’en va, sous la conduite de l’aîné de ses membres, chercher ailleurs un terrain encore inoccupé, sur lequel elle s’établit. Cette fraction devient alors une nouvelle famille, issue de la première, mais formant, du simple fait qu’elle ne vit plus sur le même sol, une communauté distincte. Tous les liens cependant ne sont pas rompus. Les deux familles, et celles qui, postérieurement, sont issues de l’une ou de l’autre dans les mêmes conditions et à la suite de circonstances analogues, se souviennent qu’elles ont une ascendance commune, les mêmes traditions initiales. […] Tant que les familles d’un même clan, quoique vivant sur des lots de terre distincts, continuent à habiter la même région, ces liens moraux se doublent en général de liens politiques, le patriarche de la famille dont sont sorties les autres remplissant les fonctions de chef de clan. […] Ces liens persistent même là où des familles du clan ont adopté une langue étrangère et ont, en quelque sorte, changé de nationalité. […] il est incontestable que la conversion à une autre foi, si cette conversion est sincère et ne se borne pas à l’adoption de quelques rites surérogatoires, détermine une cause de dissociation de la famille […]


statuette1-bambaraAinsi, il semble qu’aux Temps Ancestraux, la création d’entités politiques par les Africains consistait principalement en l’occupation d’un territoire inhabité par une population dont le noyau dur était composé d’un ensemble de familles (primo-occupantes) se reconnaissant dans un ancêtre commun. Cette manière de faire-société est favorisée en Afrique par un contexte d’immensité géographique, de grande disponibilité de terres, avec ses 30 millions de kilomètres carrés.

L’ancêtre commun est l’Aîné des primo-occupants ayant contracté alliance avec les forces vitales (ou « génies ») des lieux : c’est-à-dire ayant pu fusionner consciemment sa propre énergie-vie avec les flux d’énergie-vie circulant dans ces lieux, pour le compte de sa famille et de leurs futures descendances, en vue d’une installation paisible ; respectueuse de ces forces (ou flux) et respectée par elles.

La réactualisation périodique de cette alliance/symbiose originelle fait l’objet de pratiques cultuelles, spirituelles, jugées indispensables à l’équilibre cosmique et social de la communauté des morts aussi bien que des vivants. Dans ce dispositif cultuel commémorant l’ancestralité et le pacte originel, l’Aîné Primordial est souvent perçu par les Blancs (ethnologues, anthropologues, égyptologues, africanistes, etc.) comme un équivalent de ce qu’ils appellent « Dieu » dans leur propre culture. Pourtant, le premier Aîné (par exemple Wsr, Xisé, Nimi’a Lukeni Lwa Nzinga, etc.) n’est pas seulement une figure spirituelle, c’est aussi une figure politique. Ce n’est pas seulement un objet de culte, ou un « héros mythique », ce fut aussi très probablement un être humain en chair et en os, ayant réellement existé, dont le très lointain souvenir de la vie terrestre s’estompe progressivement au profit de sa fonction mémorielle, puis cultuelle ; celle-ci étant chaque fois réactivée par des rites dédiés[4]. Il n’en demeure pas moins qu’en tant que figure politique, la personne de l’Aîné est régulièrement actualisée dans la personne même du souverain régnant : chaque Fari/Mensa/Mwene incarne symboliquement l’Aîné Primordial.

A partir du foyer d’installation initiale, d’autres lieux alentours peuvent être occupés ultérieurement par des groupes de familles issues du premier, toujours sous la houlette d’un leader choisi parmi la catégorie des Aînés. On considère généralement que cette expansion est due à la pression démographique exercée sur le territoire initial. Pourtant, il y a une autre cause possible d’exode : celle qui consiste dans les dissensions politiques, notamment à l’occasion de querelles de succession entre familles d’élites sociales : ce fut le cas d’Abla Pokou obligée de s’exiler avec ses alliés, après que son fils a été évincé de son droit de succéder au trône ashanti. Elle est alors devenue l’ancêtre des Ba-wuli (ou Baoulé). Ce fut également le cas des enfants de Dinga, partis de Kamê pour fonder le Wagadu[5]. Aussi semble-t-il que ce soient également des conflits politiques qui expliquèrent l’émancipation de la Dynastie Zéro du giron de la fédération du T3 Sti.

Tout se passe comme si, à la suite de dissensions chroniques parmi les Aînés/Fa, un Kêlêtigui avait regroupé des Kafu situés entre la Basse-Nubie et le Delta du Nil, en vue de former une Mansaya, c’est-à-dire une fédération politique dite Ta Kamê, gouvernée par un Fari/Mansa. Si tel était le cas, alors les conditions de formation politique d’Etats africains anciens comme Wagadu, Mali, Kongo-dyna-Nza, pourraient nous instruire plus efficacement sur les circonstances de l’émergence de l’Etat pharaonique de T3 Km.t ; voire de celui encore plus ancien de T3 Sti.


Par Ogotemmêli


[1] Viviana Pâques, Les Bambara, éd. L’harmattan, 2005, pp54-55

[2] Bernadette Menu, Egypte pharaonique, nouvelles recherches sur l’histoire juridique, économique et sociale de l’ancienne Egypte, éd. L’Harmattan, 2004, pp.7-8.


[3] Maurice Delafosse, Les Nègres, éd. L’Harmattan, 2005, pp.37-39

[4] Josep Cervello Autuori, Monarchies pharaoniques et royautés divines africaines, in Cahiers Caribéens d’Egyptologie, n°2, Février/Mars 2001.

[5] Germaine Dieterlen & Diarra Sylla, L’empire de Ghana – Le Wagadu et les traditions de Yéréré, éd. Karthala – ARSAN, 1992

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