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L’ « Impôt CFA », ou l’escroquerie du « Compte d’Opérations »

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Voici un extrait particulièrement édifiant de l’excellent ouvrage de Joseph Tchundjang Pouémi, qui décrivait avec grande précision, dès 1979, les modalités techniques de « la répression monétaire de l’Afrique » par les autorités françaises [1]. L’auteur explique ici comment « la garantie illimitée » et le fonctionnement du « compte d’opérations » sensé la mettre en œuvre sont de pures et simples hérésies monétaires destinées à capter les devises des Pays Africains de la Zone Franc au profit de l’économie française [2].



Aujourd’hui, chaque fois que les PAZF réalisent une recette d’exportation en devises, toutes ces devises sont confisquées par le Trésor Public Français, qui inscrit en contrepartie sur un « Compte d’Opérations », tenu dans ses propres livres, un montant d’€uros pour 50% de la contrevaleur de ces recettes d’exportation  au crédit du pays pourvoyeur des devises. Ainsi, contre un simple jeu d’écritures bancaires, la France s’approprie des devises sonnantes et trébuchantes qu’elle n’a pas gagnées : un vrai « impôt CFA », dont le professeur Joseph Tchundjang Pouémi a été le premier économiste à mettre en évidence l’iniquité politique, l’aberration théorique, voire la nature d’escroquerie monétaire sans précédent dans les annales de l’histoire de la monnaie [3]. D’aucuns pensent que c’est la publication de cet ouvrage (« Monnaie, servitude et liberté – La répression monétaire de l’Afrique ») qui lui a coûté la vie, en décembre 1984, dans des circonstances « mystérieuses ».


« Les Etats membres de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (B.E.A.C), ci-après dénommés Etats membres, d’une part, et la République française, ci-après désignée la France, d’autre part, décident de poursuivre leur coopération en matière monétaire dans le cadre organique défini ci-après Cette coopération est fondée sur la garantie illimitée donnée par la France à la monnaie émise par la B.E.A.C. et sur les dépôts auprès du Trésor français de tout ou partie des réserves de change des Etats membres qui prendront les mesures nécessaires à cet effet… »

Il suffirait déjà à ce stade de noter que le franc CFA n’est la créature d’aucun Etat africain por convaincre le lecteur qu’il est en réalité la créature de l’Etat français, qu’il n’est donc que le franc français lui même. Il suffirait aussi de noter que les pays de la zone sterling déposaient leurs réserves auprès de la Banque d’Angleterre et ceux de la zone franc auprès du Trésor français pour comprendre la différence tout à fait déterminante entre les deux espaces. […]

Mais quelle est donc cette garantie illimitée que donne aimablement la France au franc CFA et dont on parle tant ? La garantie de sa valeur ? de M/P ? Car c’est ce nombre, et lui seul, qui permet d’apprécier la solidité, au moins interne, d’une monnaie. Cela voudrait dire que la France contribue soit à augmenter M [la masse monétaire], soit à augmenter P [le système de prix] ; les eux seules conditions pour que M/P s’élève ou au moins ne baisse pas.

La première hypothèse est ridicule, il n’y a pas d’effort particulier à faire pour augmenter M ; une banque centrale peut le faire à volonté, il lui suffit d’accorder des crédits. La deuxième hypothèse est impossible, car elle signifierait que si le niveau des prix augmentait dans les Etats membres, une fois M fixé, la France y déverserait des biens pour faire baisser P. Cela n’est jamais arrivé et ne peut pas arriver. Au contraire, la structuration de la zone franc permet à la France d’exporter son inflation dans les Etats. La garantie de la valeur du franc est donc une absurdité logique.

Au 31décembre 1977, les réserves de la Côte d’Ivoire représentaient 9% de la monnaie et 6% du total du bilan de son système bancaire. Les mêmes chiffres étaient respectivement de 16% et 7% pour la France. On pourrait en conclure que le franc français est plus fort que le « franc ivoirien ». Rien n’est moins sûr. Les réserves du Ghana représentaient 2% de la monnaie et 1.5% du bilan, tandis que celles du Royaume-Uni non seulement n’existaient pas, mais étaient au-dessous de zéro. Et l’année 1977 n’était pas un accident ; les réserves britanniques sont restées en permanence négatives depuis 1960. La livre sterling serait donc plus faible que le cedi !

La masse monétaire est passée de 11 à 24 milliards de livres en Angleterre de 1971 à 1977, de 263 à 518 milliards de francs en France, soit presque dans les mêmes proportions, alors que les réserves ont connu des évolutions divergentes. La conclusion : les réserves ne sont plus, comme au siècle dernier, une garantie de la circulation monétaire. Elles sont , comme leur nom l’indique, des réserves, des biens (non vides) permettant de passer des caps difficiles et, autant que possible, transitoires.

S’agit-il donc d’une garantie externe, de l’engagement de désintéresser tout créancier extérieur d’un membre de la zone en cas de manque de devises ? Théoriquement, c’est concevable ; historiquement, on l’a mille fois souligné, la France n’a jamais réglé une facture d’un dollar pris sur ses propres réserves pour « payer » un créancier hors zone franc d’un Etat africain, les réserves globales de l’ensemble des Etats ayant toujours été positives, fortement positives. Logiquement, l’architecture de la zone franc rend une telle garantie non pas hypothétique comme on dit, mais improbable.

Quoiqu’il en soit, la construction de la zone franc repose sur un mécanisme baptisé « compte d’opérations », expression curieuse, mystérieuse, inconnue du monde des économistes, mais bréviaire de tous les financiers des Etats membres : un pays exporte, reçoit en règlement des devises ou de l’or, le tout est transféré à la Banque de France qui crédite le Trésor français en francs correspondants ; le Trésor français à son tour crédite la B.C.E.A.O. ou la B.E.A.C. du même montant. Autrement dit, tout gain en devises d’un pays membre devient une réserve à l’actif de la Banque de France, c’est donc une part des réserves de la France (dans une proportion qui atteint 12% à 13%). Inversement, une importation d’un pays membre donne lieu au trajet inverse. En somme, la B.C.E.A.O. et la B.E.A.C. ont à leur actif, sous le titre « réserves », des francs français, c’est-à-dire, répétons-le, une monnaie dont le franc CFA est un autre nom. Cet exercice a coûté, coûte et coûtera cher.

Depuis l’indépendance, la situation de l’ensemble des pays membres auprès du Trésor français a varié selon les années, mais a été en moyenne positive de 50 milliards CFA (entre 1974 et 1976, années de crise internationale aiguë, elle est passée de 50 à 75 milliards). Le taux d’intérêt servi par le Trésor, c’est celui de la Banque de France, c’est-à-dire, en principe, le plus bas des taux d’intérêt. Pendant ce temps, les taux d’intérêt sur les marchés financiers, dont les bons d Trésor américain que la Banque de France souscrit avec « ses » réserves, étaient bien plus élevés, la différence se situant autour de 4% à 5% ; or un taux d’intérêt de 5% correspond à un doublement du capital tous les quatorze ans : tous calculs faits, les Etats membres ont perdu en vingt ans environ 80 milliards.

Si on ajoute cela que, depuis une douzaine d’années, le rythme de hausse de prix en France est d’environ 8%, donc largement supérieur au taux d’intérêt servi sur le « compte d’opérations », on obtient ce résultat extraordinaire qu’en fait les Etats ont payé le Trésor français pour garder leurs « devises », des francs. Dans le même ordre d’idées, imaginons que les Etats aient converti leurs réserves en or (et rien en principe, à part les provisions de la zone franc, ne les en empêchait) au cours officiel de 35 ou 45 dollars l’once au début des années soixante-dix, 50 milliards vaudraient aujourd’hui 300 milliards, soit une perte sèche de 250 milliards. C’est le montant du service de la dette extérieure des Etats membres pendant au moins trois ans.

Autre mythe, le dualisme économique inventé par les experts en sous-développement. Il y aurait dans les économies sous-développées deux secteurs : un dit moderne, monétarisé ou monétisé… on hésite ; l’autre dit traditionnel, non monétarisé, ou d’autoconsommation. Or, quel est le coin d’Afrique, si reculé soit-il, où les gens ne sachent pas se servir de la monnaie dans sa triple caractéristique d’unité de compte, de réserve de valeurs et d’intermédiaire d’échanges ? En vérité, la définition moderne de la monnaie telle que l’a donnée l’étudiant d’Abidjan veut que ce soit le secteur qui n’a pas de créance sur le système bancaire. Autre façon de dire qu’il n’a pas accès au crédit. Simplement !


Ainsi, on apprend entre autres dans cet extrait que le secteur économique africain dit « informel » est en réalité un secteur caractérisé par son éviction institutionnalisée de l’accès au crédit. En d’autres termes, l’une des plaies les plus graves des économies africaines consiste dans la raréfaction artificielle de crédit aux opérateurs économiques nationaux, tandis que les investisseurs étrangers sont gavés de crédits et surprotégés par des codes de l’investissement taillés sur mesure pour servir leurs moindres desiderata.

Or, il n’y a aucune raison économiquement valable que l’agriculteur européen ou nord américain reçoive des trombes de subventions, pouvant constituer dans certains cas jusqu’à 70% de ses revenus, tandis que « le paysan africain » est privé du moindre crédit pour échanger ses outils hérités du néolithique (houe, machette, etc.) contre des machines agricoles aussi performantes que celles de son homologue occidental : cette disparité technologique est aussi la conséquence d’une servitude monétaire généralisée, où l’excès de crédit en Occident, qui provoque une crise financière mondiale (dite « crise des subprimes »), a pour corollaire l’atrophie monétaire des pays africains comme ceux de la zone franc. Cette disparité technologique est aussi doublée d’une iniquité des mécanismes internationaux de la formation des prix des produits agricoles, telle que « le paysan africain » produit de plus en plus et reçoit de moins en moins d’argent en échange du fruit de son dur labeur. Le petit agriculteur européen n’est pas mieux loti à cet égard, sauf que sa spoliation par le marché mondial est plus ou moins compensée par des transferts financiers publics, qui l’asservissent inéluctablement à la générosité de l’Etat et de l’Union Européenne.

En tout état de cause, l’on retient de cet extrait essentiellement le fait que la souveraineté monétaire est un impératif catégorique pour réaliser la prospérité économique collective. En conséquence, le Franc CFA signe l’asservissement monétaire des PAZF au profit de la France, qui pille ainsi les recettes en devises de pays jugés parmi les plus pauvres de la planète. Une monnaie unique CEDEAO serait assurément l’une des solutions à court terme pour se défaire de carcan monétaire françafricain.

Cette monnaie unique CEDEAO devra permettre d’injecter massivement du crédit dans les économies nationales, notamment au profit des opérateurs économiques des secteurs dits « informels » qui sont d’immenses gisements de valeur ajoutée, de création d’emplois, de créativité artisanale et de dynamisme entrepreneurial. Faire confiance aux capacités endogènes de création de richesses, c’est faire confiance aux Africains eux-mêmes pour répondre à leurs propres défis économiques : c’est donc leur faire crédit autant qu’ils en ont besoin, en vue d’exprimer tout leur potentiel d’initiatives économiques viables.




Par KLAH Popo



NOTES

[1] Joseph Tchundjang Pouemi, Monnaie, servitude et liberté – La répression monétaire de l’Afrique, éd. Menaibuc, Paris, 2000

[2] Joseph Tchundjang Pouémi, op cit. pp55-59

[3] Vingt ans plus tard, Nicolas Agbohou suivait les traces de Tchundjang Pouémi, en stigmatisant la colonisation monétaire de l’Afrique par la France et désormais l’Europe, à travers son ouvrage intutilé Le Franc CFA et l’€uro contre l’Afrique

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