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Science de l’interprétation des rêves en Afrique

Djibril SAMB,

L’interprétation des rêves en Afrique noire (La Sénégambie),

éd. Ediphis, Bruxelles, 2004.

Pour écrire ce livre, le professeur Djibril SAMB a exploité environ 5000 documents et manuscrits ; constitué et traité un corpus de 500 rêves recueillis en Sénégambie. Une immense érudition, une très grande rigueur analytique et méthodologique. Ce livre est à ranger parmi les plus grandes œuvres intellectuelles négro-africaines contemporaines ; aux côtés des « Nations nègres et culture », « La philosophie africaine de la période pharaonique », « De l’origine égyptienne des Peuls », etc.

Cette recherche de longue haleine, qui lui a pris dix ans, aboutit à la fondation, sinon à la consolidation, d’une nouvelle discipline scientifique des études africaines : l’onirologie afrocentrique, c’est-à-dire l’étude scientifique de l’interprétation des rêves selon les pratiques et traditions onirocritiques négro-africaines. L’auteur ne parle pas expressément « d’onirologie afrocentrique », mais je crois pouvoir tirer une telle conséquence du travail colossal par lui effectué, selon les procédures académiques les plus orthodoxes. En tout cas démonstration est faite par le professeur SAMB qu’il existe une tradition africaine millénaire de l’interprétation des rêves, avec ses méthodes et procédures spécifiques, attestée depuis Kemet jusqu’en Sénégambie. Et que cette tradition se fonde sur une conception endogène du monde, particulièrement du rêve, qui la distingue nettement des traditions onirocritiques bibliques et coraniques, entre autres.

De ce point de vue, cette étude constitue une énième pièce probante à verser au crédit de la négro-africanité de Kemet, en révélant des « similitudes frappantes entre l’anthropologie et l’onirologie de l’Egypte antique et celles de la civilisation sénégambienne, sans qu’on puisse, au demeurant, en conclure à une quelconque influence de l’une sur l’autre. » (p8) Néanmoins, il faut souligner qu’elle ne s’inscrit pas explicitement dans cette optique ; les préoccupations de l’auteur résidant plutôt en ceci : « l’étude de l’interprétation traditionnelle des rêves constituait une voie d’accès privilégiée à la connaissance de l’imaginaire collectif, de la culture qui le sous-tend, et notamment des paradigmes qui modèlent de nombreuses pratiques sociales. » (p7)

La conception moderne/occidentale du rêve le tient pour une réalité psychologique subjective ; comme l’activité paradoxale du cerveau au repos d’un individu. Pour les Africains, le rêve est l’expérience réelle des pérégrinations diurnes ou nocturnes des âmes échangeant les unes avec les autres. En effet, « l’homme se définit comme un composé de corps et d’âme [… laquelle…] peut mener une vie autonome en se libérant du carcan corporel. » (pp88-91) Ce qui se dit également « Sayaa te nii ban », ou « la mort n’épuise pas l’âme ». Certes, la réalité onirique ne se situe pas au même plan que la réalité physique. Mais le rêve est une dimension amatérielle du réel. D’ailleurs, il n’y a pas d’un côté un monde réel, et de l’autre un monde onirique. Il y a que le monde est simultanément physique et imaginaire ; le rêve étant ce qui distingue et relie ces dimensions.

Pour le professeur SAMB, « les rêves se sont toujours situés au centre de la vie sociale, culturelle et religieuse, de toutes les sociétés humaines connues, quel que soit leur degré de complexité. » p17  En sorte que l’onirologie est une voie d’accès particulièrement pertinente à la connaissance approfondie desdites sociétés : « le rêve est certainement le fait mental qui permet le mieux de connaître les ressorts profonds de la mentalité populaire, son imaginaire, et les diverses représentations collectives ou individuelles. » (p77)

L’importance concrète du rêve dans les sociétés négro-africaines peut être appréhendée de diverses manières. La venue au monde d’un homme exceptionnel est souvent annoncée en rêve. Le choix de l’emplacement d’un nouveau village, ou d’un autel du culte des ancêtres, peut être déterminé à partir d’un rêve. La décision de faire ou de ne pas faire la guerre peut être prise à la suite d’un rêve. Telle thérapie peut être appliquée par un médecin traditionnel, après l’avoir « vue » en rêve. Un commerçant peut décider de s’engager ou non dans telle affaire, à la suite d’un rêve. En somme, tous les domaines de la vie collective et individuelle sont concernés par le rêve. Or si l’expérience onirique tient une telle place prépondérante, alors on comprend à quel point l’interprétation des rêves est une activité sérieuse ; dont l’apprentissage et la maîtrise requièrent souvent de longues études auprès de nombreux maîtres. Toutes choses qui attestent indéniablement d’une véritable tradition onirocritique, dont il urgeait d’entreprendre une étude approfondie comme celle du professeur Djibril SAMB. En effet, les grands savants onirocrites traditionnels sont de moins en moins nombreux, emportant outre-tombe, les uns après les autres, leur science ancestrale. Si l’on ne veut pas perdre à jamais un aussi précieux patrimoine culturel et scientifique, il faudrait multiplier les initiatives visant à en hériter des derniers survivants. Des cursus universitaires africains pourraient être dédiés à l’onirologie afrocentrique, afin de fructifier un tel héritage. « Aussi longtemps que l’anthropologie continuera d’ignorer les faits oniriques, elle se condamnera à n’avoir qu’une compréhension étriquée des problèmes humains ». (p287)

Il reste encore quelques personnes pour considérer que la rareté relative de documents écrits anciens en Afrique constitue un handicap rédhibitoire pour connaître la civilisation africaine. Mais outre une exploitation de plus en plus féconde de la riche documentation orale, et un traitement très fructueux du matériau linguistique ; voici que Djibril SAMB propose une autre voie de connaissance de l’Afrique, par le biais du rêve et des techniques/procédures africaines de son interprétation. La seconde partie du livre consiste en une foisonnante clef africaine des songes, prélude au « Dictionnaire universel des songes » que l’auteur projette d’écrire.

Par Ogotemmêli

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