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Ngola Janga : première république fondée par des Nègres déportés aux Amériques

buste-de-nzumbiDans une perspective historiographique francocentrée, Ayiti est communément désignée comme « première république noire ». La passionnante et célébrissime histoire de Toussaint Louverture[1] éclipse souvent les nombreux cas analogues, aussi bien antérieurs qu’ultérieurs, de résistance victorieuse (ou vaine) à l’esclavage par ses victimes nègres elles-mêmes ; en Afrique tout comme en Diaspora.

Marronnage, Quilombo, Palenque

Or, dès les premières déportations négrières aux Amériques, à partir de 1517, commencèrent des révoltes de captifs africains refusant de diverses manières leur réduction en bête de somme[2]. La forme de résistance la plus redoutable pour les maîtres consistait dans la fuite en brousse, ou marronnage, d’où les fugitifs socialement organisés pouvaient entreprendre des raids sporadiques sur les infrastructures économiques et administratives de la domination coloniale.

Les refuges de marrons reçurent différents noms généralement d’inspiration africaine : « appelés en Amérique Latine, selon les pays, quilombo et macombo (Brésil), palenque (Cuba, Colombie) ou cumbe (Vénézuela). Aux Amériques, la création de quilombos manifeste la persistance d’une pratique bantoue que l’on peut observer, par exemple, dans le cadre de la lutte que menait, au XVIIè siècle, la reine Nzinga (Angola) contre les Portugais. Quilombo désignait, dans les écrits de la souveraine, la forme qu’adoptait son Etat en temps de guerre[3]. » L’un de ces premiers territoires refuges est attesté en 1530, à Santa Maria la Antigua. Peu après, au milieu du XVIè siècle, était constitué un autre palenque dans le golfe de San Miguel, dont le leader était un certain Felipillo. Quant à Bayano, un autre leader marron, il envisagea de fonder un royaume en Amérique « sur le modèle africain, aux environs de Nombre de Dios[4] ». Mais ce projet échoua finalement, en 1558, au bout de nombreuses expéditions militaires menées contre lui par les autorités coloniales espagnoles.


Quilombo dos Palmares

C’est vers la fin de ce XVIè siècle qu’est fondée Angola Janga (« Petite Angola »), un quilombo situé dans la région brésilienne de Pernambouc, et que les autorités coloniales nommèrent quilombo dos palmares. Son fondateur est un Nganga, c’est-à-dire un prêtre de culte Kongo, appelé Zumba : Zumba dos Palmares. Le territoire de Zumba va s’épanouir progressivement, grâce à un mode d’organisation collective démontrant une viabilité et une capacité de résistance militaire efficace contre les nombreuses expéditions coloniales envoyées pour le combattre, notamment en 1644 et 1645 par les Hollandais. On compte jusqu’à trente cinq de ces expéditions militaires qui furent vaillamment repoussées par l’armée d’Angola Janga au cours d’une centaine d’années ; de la fin du XVIè siècle à la fin du XVIIè siècle.


République de Palmarès

De plus en plus de Nègres marrons rejoignent Angola Janga par dizaines, en raison de sa grande notoriété acquise aux cours des nombreuses luttes armées victorieuses contre les forces coloniales. Toute cette population nécessite régulièrement la fondation de nouveaux villages (ou mocambo), lesquels s’agrandissent au fil de décennies pour devenir à leur tour des chefs-lieu d’où la construction d’autres agglomérations est initiée. Ainsi, au bout de quelques décennies après sa fondation, Angola Janga est devenu un véritable Etat, avec une population estimée à 30000 personnes vers la seconde moitié du XVIIè siècle. Cet Etat dit « République de Palmarès », est alors constitué de six provinces : Arotirene, Dambrabanga, Macacos (la capitale), Obenga, Tabrocas et Subupira[5].


Nzumbi dos Palmares

nzumbi-dos-palmaresAprès plus de trois quarts de siècle de luttes armées, Nganga Nzumba décide de s’engager résolument dans la voie de négociations politiques avec les autorités coloniales, en vue de conclure un traité de non-agression. Mais cette nouvelle stratégie, compréhensible de la part d’un vieux leader à l’orée de sa vie, n’est assurément pas du goût d’un de ses neveux, en particulier, gouverneur de Macacos la province-capitale. Ainsi, tandis qu’en 1677, Nganga Zumba se lie aux Portugais par un traité de paix, NZumbi dénonce cette alliance qui, selon lui, vassalise la République de Palmarès. Il poursuit alors la résistance militaire aux forces coloniales, afin de préserver la souveraineté pleine et entière de son pays ; soutenu en cela par une large majorité du peuple d’Angola Janga[6]. En 1695, trois semaines de siège des troupes coloniales portugaises auront raison de sa résistance : la République de Palmarès est défaite, son armée anéantie et une partie de ses habitants exterminée.

Jusqu’à nos jours, Zumbi reste une figure emblématique de la mémoire collective des Afrobrésiliens. Personnage historique régulièrement célébré comme une référence inaugurale à leurs origines africaines, et aux nombreuses luttes ancestrales pour la survie en déportation.


Sagna Sossota, Konyéya et Gbassaya

Comme un lointain écho africain à ce fameux épisode brésilien de résistance des Nègres, au XIXè siècle sont fondées les cités anti-esclavagistes de Sagna Sossota, Konyéya et Gbassaya dans le bassin du Rio Pongo [p.40] :

Sagnan Sossota s’est faite de façon singulière. Nos parents soussous se réfugiaient dans la brousse des environs, en se camouflant à l’aide de feuilles et de branchages pour échapper aux chasseurs d’esclaves, d’où le terme soussou de « Souté » (celui qui se camoufle de feuilles et de branchages et passe inaperçu). La notabilité la plus importante à Sagnan Sossota est celle des Camara et des Soumah, réputés également pour leur pouvoir occulte. Le Rio Pongo est une mosaïque et une synthèse de toutes les ethnies de la Guinée. Beaucoup de gens changeaient de nom de famille, ou se faisaient adopter par une autre famille puissante, qui inspire la crainte et le respect. A cette époque, cette pratique étaient hautement sécuritaire, d’où le mot « N’Founya » pour les hommes et « Nkélé » pour les femmes (mon protégé ou ma protégée, ou celle de ma famille, au sens le plus large et le plus contraignant du terme).

Les cités comme Konyéya et Gbassaya sont proverbialement connues au Rio Pongo pour leur puissance et leur pouvoir occulte qui les mettaient à l’abri des razzias et des guerres. On dit qu’à cette époque négrière, elles se faisaient « suspendre » (ta singan) par leur « mikhi khori » (personnes de haute valeur, doué de force occulte), en charge de la sécurité occulte des cités. Ces « prêtresses » officiaient, dit-on, quand le ciel et la terre dormaient au même moment. Konyéya est aussi la cité de liberté du Rio Pongo dont le statut juridique fut inviolé. Tout fugitif, pour une raison ou pour une autre qui parvenait à y entrer, devenait de facto un homme libre après un rituel occulte dit de réappropriation de sa dignité humaine. Sous le fromager centenaire que vous avez pu voir, il y a trois pierres. C’est à cet endroit précis qu’officiait le patriarche en charge du rituel de libération du corps et de l’esprit du fugitif. Une jarre posée sur le trépied de pierres, contenait, dit-on « l’eau médicamenteuse » pour laver trois fois le visage du fugitif. Puis, il en buvait, avant de recevoir l’eau bénite sur tout le corps dans le strict secret de l’intimité quand le ciel et la terre dormaient au même moment. Au terme de ce rituel l’homme changeait souvent de patronyme en devenant un homme libre.[7]


Les mouvements Jaga de Kongo-dya-Ntotila

Avant de clore ce bref exposé, il convient de rappeler que dès le début du XVIè siècle, peu après les premiers contacts entre Africains et Européens, on observe en Afrique même des mouvements politiques de résistances à l’économie négrière atlantique, notamment dans le bassin du fleuve Nzadi (ou Kongo). En effet à partir de 1506, lorsque les Portugais installeront de force Nzinga Mvemba sur le trône de Mwene Kongo, après avoir assassiné son frère Nzinga Nkuwu, certains partisans de ce dernier rentreront en rébellion. Ce seront les fameux Jaga (appelé Jagado par les Portugais), en rupture de ban avec les autorités officielles de Kongo-dya-Ntotila, à juste titre jugées illégitimes. Organisés en groupements armés très mobiles, ils renoncent à occuper un territoire fixe, mais harcèlent les armées coloniales et royales à travers une guérilla permanente à divers endroits du royaume Kongo[8]. Les commentateurs portugais contemporains feront une mauvaise presse à ces mouvements de résistances africaines, dont les protagonistes sont souvent décrits comme des sanguinaires, cannibales, pillards[9].

En définitive, loin de s’être offertes comme des agneaux à la déportation négrière, les nations africaines ont très tôt combattu les infrastructures coloniales des Etats négriers européens. Ces luttes se sont poursuivies et intensifiées sur le lieu des déportations, aux Amériques. Bien qu’elles aient été généralement vaines, principalement en raison de la supériorité militaire européenne, certaines de ces entreprises de résistances ont connu un réel et durable succès, aussi bien en Afrique qu’aux Amériques, allant jusqu’à déboucher sur la création de véritables Etats anti-esclavagistes, dont l’un des tous premiers est Angola Janga. Ainsi, trois siècles avant Toussaint Louverture, Nganga Nzumba écrivait les premières pages épiques de cette œuvre majeure qu’est la longue histoire des résistances nègres à l’asservissement et à la déshumanisation, en fondant « la République de Palmarès », très probablement la première république de cette envergure créée par la diaspora nègre sur l’Autre-Rive.

L’autre corollaire de ce faisceau d’événements consiste en ce que l’absence des phénomènes abolitionnistes nègres dans l’historiographie eurocentriste de la traite négrière est un autre aspect crucial de l’escroquerie idéologique en quoi consiste fondamentalement cette historiographie négriériste. En effet, il est indéniable que les premiers abolitionnistes furent les victimes nègres elles-mêmes du yovodah, dès le XVè siècle ; c’est-à-dire longtemps, bien longtemps, avant l’émergence des premiers mouvements abolitionnistes des métropoles négrières européennes, au XVIIIè siècle finissant.


Par KLAH Popo


[1] Aimé Césaire, Toussaint Louverture, la révolution française et le problème colonial, éd. Présence Africaine, 1962

[2] Nelly Scmidt, L’abolition de l’esclavage. Cinq siècles de combats XVIè – XXè siècle, éd. Fayard, 2005

[3] Martin Lienhard, Le discours des esclaves de l’Afrique à l’Amérique Latine, éd. L’Harmattan, 2001, p.23

[4] Nelly Scmidt, L’abolition de l’esclavage. Cinq siècles de combats XVIè – XXè siècle, éd. Fayard, 2005, p.43

[5] Cf. http://www.afriblog.com/blog.asp?code=GuyEverardMbarga&no_msg=2986

[6] Kintto Lucas, Rebeliones Indígenas y Negras en America Latina, éd. Abya Yala, 1992

[7] Mamadou Camara Lefloche, Traditions orales, traitement occulte et domptage de l’esclave au Rio Pongo, in Traditions orales et archives de la traite négrière, sous la direction de Djibril Tamsir Niane, éd. UNESCO, 2001, p.39

[8] Raphaël Batsîkama ba Mampuya ma Ndâwla, L’Ancien Royaume du Congo et les baKongo, éd. L’Harmattan, 1999.

[9] Filippo Pigafetta et Duarte Lopes, Le royaume de Congo et les contrées environnantes (1951), éd. Chandeigne / UNESCO, 2002

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