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De la démocratie en Afrique Noire

Du Principe de Démocratie

La démocratie consiste en la création par une multitude humaine d’une société politique autonome : fondée en soi, pour soi, et à l’égard de toute autre [1]. systeme-lodjoukrou1C’est aux êtres humains, d’ici comme d’ailleurs, dans les conditions particulières où ils se trouvent, de prendre en main leur propre destin collectif, d’instituer des règles de vivre ensemble, selon leur propre conception de ce en quoi peut consister ce vivre-ensemble, et de les mettre en oeuvre efficacement pour le bien-être de chacun.

Une société politique n’est pas une simple communauté humaine. La première est instituée par une loi, dite « constitution », tandis que l’autre existe par elle-même, naturellement. La société politique est une personne morale dotée d’un territoire, dont elle mobilise les ressources, en vue de réaliser des fins politiques ; à la différence d’une société économique (par exemple une société de capitaux), qui ne possède pas de territoire, et poursuit des fins d’ordre strictement économique.

Une société démocratique est instituée par une multitude, pour cette multitude. La loi démocratique est donc une loi émanant de TOUS ; à la différence d’une société mono-archique ou oligo-archique, qui sont respectivement instituées par la loi d’un seul (monarque) ou de quelques uns (oligarques). En conséquence, toute société n’est pas nécessairement politique, et toute société politique n’est pas toujours, loin s’en faut, démocratique.

Une tradition démocratique millénaire en Afrique Noire

L’Afrique Noire possède une expérience démocratique déjà millénaire avant sa colonisation par l’Europe [2] :

1) Un Gbara, c’est-à-dire une assemblée constituante est au fondement du Mali, dont le premier Mansa fut Sogolon Mari Djatta, connu aussi comme Soundjata Kéita. Cela se passait en 1240 de notre ère, à Kà-Ba, au pays de Sibi, sur la rive gauche du Djoliba, dans une vaste clairière appelée Kurukan Fuga [3]. Tous les gens du Mandé y étaient représentés. Tous acceptèrent Soundjata comme Mansa. Un ensemble de règles furent alors arrêtées pour codifier les rapports qui devaient désormais lier les gens représentés au Gbara. Ainsi avait été à nouveau réuni le peuple mande nka dans une même société politique, fondée sur une nouvelle loi que tous avaient prise. A titre de comparaison, rappelons que la première expérience constitutionnelle moderne date de 1776 ; soit un demi millénaire après celle du Mali. Cette constitution nord-américaine scellait une alliance politique entre émigrés européens, en vue d’établir en droit des intérêts qu’ils avaient férocement acquis au détriment des autochtones, les Indiens d’Amérique, et des Nègres esclaves arrachés à leurs racines africaines.

2) La fonction politique de l’Arbre à Palabres peut être entendue comme lieu public pour les débats concernant les affaires publiques. Cet espace est effectivement ouvert à tous, y compris aux femmes, bien qu’il y ait des règles strictes régissant la prise de parole en son sein. Cette institution de l’Arbre à Palabres manifeste indéniablement l’esprit d’ouverture et de transparence du débat public traditionnel africain.

3) Dans la tradition matriarcale négro-africaine, la Reine-Mère est souvent aussi puissante que le souverain, dont il n’est pas rare qu’elle assume la régence. Dans bien des cas, c’est même elle qui le choisit, en étroite concertation avec les notables et les prêtres, conformément aux prescriptions des Ancêtres-dieux. Ainsi, selon cette tradition, la femme africaine est intimement associée à l’exercice effectif du pouvoir public, et peut occuper les plus hautes fonctions : à l’instar des Kandakê, d’Anne Nzinga, de Ranavalona III, de Ndété Yalla, ou encore d’Abla Pokou [4].

4) Périodiquement, parfois chaque jour, le Moro Naba du Mossi (à l’instar du Manghan de Wagadu) se promène dans les rues de sa capitale, accompagné de quelques dignitaires et suivant un itinéraire quasi immuable. Il peut alors être interpellé par quiconque, l’humble paysan ou l’étranger, en vue d’obtenir une faveur, un jugement, une réparation. Cette pratique a pour effet de maintenir un contact direct permanent entre gouvernants et gouvernés, afin que les décisions politiques et judiciaires soient le mieux possible instruites des aspirations concrètes des gens en chair et en os.

5) Au Songhay, le Koreï Farma est le ministre de la minorité blanche, des étrangers. Cela marque bien une volonté expresse de prendre en compte la dimension de l’Autre, d’établir des droits pour les étrangers et de les faire respecter. Cette tradition est attestée antérieurement au Songhay, puisque visitant le Mali au début du XIVème siècle, Ibn Battûta relève ceci : « Les Noirs ne confisquent pas les biens des hommes qui viennent à mourir dans leur contrée, quand même il s’agirait de trésors immenses. Ils les déposent, au contraire, chez un homme de confiance d’entre les Blancs, jusqu’à ce que les ayants droit se présentent et en prennent possession. » [5]

Pour une Renaissance démocratique afrocentrée

Ces quelques exemples d’institutions et pratiques politiques africaines historiquement attestés méritent d’être pris en considération et médités dans le débat actuel sur la démocratie en Afrique. Ils invitent à poser les termes d’une équation afrocentrée de l’avenir politique de l’Afrique Noire, en puisant dans son expérience millénaire les facteurs essentiels d’une transformation démocratique de son être. De ce point de vue, renchérit le Prix Nobel Amartya Sen, « il n’y a guère de doute quant au rôle traditionnel et à la pertinence continue, dans l’héritage politique africain, de la participation et du fait d’avoir à rendre des comptes. […] Dans le monde contemporain, le besoin d’un engagement pour plus de démocratie n’est nulle part ailleurs aussi fort qu’en Afrique. […] Même si des institutions démocratiques spécifiques qui se sont développées en Occident sont bienvenues et mises en œuvre, la tâche requiert une compréhension adéquate des racines profondes de la pensée démocratique africaine. » [6]

Noter que cette exigence a déjà été formulée voici un demi siècle par les mouvements Panafricanistes. Ces derniers proposaient de dépasser les frontières territoriales et mentales dressées entre les Africains par les Etats négriers européens devenus impérialistes, afin de bâtir des sociétés politiques plus conformes aux réalités et intérêts africains (culturels, économiques, stratégiques, etc.), capables de résorber la balkanisation du continent noir. Malheureusement, ces aspirations furent suspendues, voire interdites, par des préoccupations immédiates et incohérentes du développement économique. Un demi siècle perdu donc à courir en vain après le mythe du développement [7], sans avoir régler la question préalable et primordiale de démocratie, c’est-à-dire de constitution de sociétés politiques souveraines, par les Africains, pour les Africains, et selon des institutions et pratiques politiques négro-africaines.

En somme, si une question de démocratie se pose aux Africains d’aujourd’hui, c’est bien essentiellement dans leur propre histoire politique millénaire qu’ils devraient en puiser les principaux éléments de réponse adéquats ; plutôt que de s’épuiser dans un mimétisme amnésique d’expériences politiques étrangères. C’est indéniablement dans les décombres de l’Afrique ancienne qu’il faudrait rechercher les matériaux essentiels de la reconstruction socio-politique de l’Afrique à venir, évidemment en pleine conscience des circonstances actuelles dites de la mondialisation, qui consistent, au fond, en l’occidentalisation du monde. Mais encore faut-il que nous apprenions à connaître et comprendre notre histoire politique précoloniale. Or, de telles préoccupations épistémologiques sont aux antipodes des élucubrations négrophobes d’africanistes français, tels que Sophia Mappa [8] et Jean-François Bayard [9] qui clament doctement que l’Afrique n’a pas d’histoire démocratique ; comme avant eux Hegel prétendait qu’elle n’avait pas d’histoire. Ce qui souligne à quel point il est vain d’espérer quoique ce soit de fécond d’une discipline académique radicalement eurocentriste [10], et surtout raciste [11].


KLAH Popo

NOTES

[1] Gérard Mairet, Discours d’Europe, éd. La Découverte, 1989, p.32 : « Penser la démocratie ne saurait se réduire à penser l’émancipation de la société civile ; la démocratie se définit plutôt comme l’existence civile d’une multitude selon le droit de sa propre nature. »

[2] CELHTO, La Charte de Kurukan Fuga – Aux sources d’une pensée politique en Afrique, éd. L’Harmattan, 2008

[3] Cheikh Anta Diop, L’Afrique Noire pré-coloniale – Etude comparée des systèmes politiques et sociaux de l’Europe et de l’Afrique Noire, de l’Antiquité à la formation des Etats modernes, éd. Présence Africaine, 1987

[4] Sylvia Serbin, Reines d’Afrique et héroïnes de la diaspora noire, éd. Sépia, 2004

[5] Ibn Battûta, Voyages, éd. La Découverte, 1994, T3, p426

[6] Amartya Sen, La démocratie des autres – Pourquoi la liberté n’est pas une invention de l’Occident, éd. Payot, 2005, pp.16-19

[7] Serge Latouche,

Faut-il refuser le développement ?, éd. PUF, 1986

L’Autre Afrique – Entre don et marché, éd. Albin Michel, 1998

[8] Sous la direction de Sophia Mappa, Développer par la démocratie ? – Injonctions occidentales et exigences planétaires, éd. Karthala, 1995

[9] Jean-François Bayard, L’Etat en Afrique – La politique du ventre, éd. Fayard, 1989. A la page 58 de cet ouvrage, l’auteur va jusqu’à professer « l’absence d’une « grande » tradition historique du pouvoir » en Afrique Noire. Ce qui est proprement stupide, quand on sait que les plus anciennes sociétés politiques documentées sont africaines, négro-africaines : T3 Sti et T3 Kmt. Et que jusqu’au XVIè siècle, de grands Etats africains comptaient parmi les plus puissants et prospères au monde de leur époque : Koush, Meroé, Aksoum, Wagadu, Mali, Kongo-Dyna-Nza, Zimbabwé, etc.

[10] Théophile Obenga, Le sens de la lutte contre l’africanisme eurocentriste, éd. Khepera / L’Harmattan, 2001

[11] Didier Gondola, Africanisme : la crise d’une illusion, éd. L’Harmattan, 2007

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